Le mois de février, ce n'est pas simplement le vent frais qui vous frigorifie sous votre couette, non, c'est aussi la Saint-Valentin. Fête des amoureux qu'il fait bon célébrer chez soi (faute de mieux) devant un bon petit film. Mais pas question de ressortir les sempiternels Pretty Woman et autres Love Actually. Loin d'être si redondante, la comédie romantique est un genre riche et insaisissable, traversé de perles et de découvertes étonnantes.
C'est d'ailleurs ce que nous rappelle Sophie. Instigatrice de la chaîne YouTube et du compte Instagram Tout est politique, cette jeune vidéaste et blogueuse féministe détonne par ses prescriptions culturelles toujours stimulantes et engagées. Elle le démontre aujourd'hui pour Terrafemina en nous proposant six rom-coms alternatives : drôles, attachantes, surprenantes, voire carrément subversives, trash, irrévérencieuses. Oui oui, que du bon.
Idéal pour occuper vos soirées énamourées (ou solo).
Ca raconte quoi ? Oliver et Emily sont deux étudiants comme les autres. Dans un train, ils se rencontrent, font l'amour, se quittent. Puis se retrouvent. Encore et toujours. Un Quand Harry rencontre Sally à l'envers (du sexe aux discussions plus complexes) avec Ashton en concepteur de couches culottes.
L'avis de l'experte : "Une belle surprise ! Oliver (Ashton Kutcher) est ce mec un peu gauche, pas du tout toxique, beau gosse mais pas 'fuckboy', porteur d'une forme de fragilité. Il semble constamment impressionné par Emily (Amanda Peet), la nana qui ne se laisse pas intimider, une femme insolente qui mène la barque.
Au début, elle a même des airs d'anti-héroïne. Ces deux personnages font l'amour dès le début, ce qui fait que le sexe n'est pas du tout l'enjeu de cette comédie romantique. Et ça c'est très rafraîchissant ! L'alchimie des deux est indéniable. Quand ils sont ensemble à l'écran, un truc se passe.
Loin de se vivre à mille à l'heure, l'histoire de ces deux amis amis et amoureux s'écrit et s'enrichit à grands coups d'ellipses, sur un temps long – les sept années en question. Ce concept fonctionne puisque la temporalité est bien maîtrisée par le réalisateur, Nigel Cole. Tu crois en l'évolution de leur amitié et de leur amour au fil des années, en l'ambivalence de leurs sentiments, et de cette 'séduction' faite de tensions, d'allers et venues.
Et enfin, la soundtrack est parfaite. Un vrai plaisir pour les oreilles"
Ca raconte quoi ? Monica et Quincy sont deux gosses fous de basket. Les années passant, l'un devient le nouvel espoir des compétes, tandis que l'autre est volontiers critiquée pour son attitude de joueuse libre et colérique. Par-delà les terrains, un autre adversaire va bousculer nos deux amis : leurs sentiments. Une attachante production du grand cinéaste afroaméricain Spike Lee, où s'enlacent paniers trépidants et amours contrariés.
L'avis de l'experte : "Love & Basketball est à la fois une comédie romantique et un film sportif, et les deux genres s'équilibrent bien. Comme dans 7 ans de séduction, le temps qui passe est le nerf du film, mais il est amené différemment – l'union des deux personnages, Monica et Quincy, prenant forme dès leur enfance, et se poursuivant à des étapes très charnières de leur vie, personnelle et professionnelle. C'est donc le récit de premiers amours qui perdurent longtemps, et au sein desquels le basket conserve toujours une très grande importance.
Là encore le duo d'acteurs (Sanaa Lathan et Omar Epps) marche très bien. Notamment car le personnage de Monica est super. C'est une femme forte, sur un terrain de basket comme face à sa propre mère et à tous ceux qui la jugent, avec de la répartie et des aptitudes physiques. D'abord critiquée pour ses accès de colère, elle va finalement assumer ses choix et sa singularité. D'un autre côté, elle porte en elle une fragilité qui favorisera, j'en suis sûre, l'effet d'identification que pourront ressentir les adolescentes.
Le film esquive une certaine propension au tragique, cette gravité que l'on peut retrouver dans beaucoup de films qui traitent de la culture afro-américaine. En ce sens, ça fait du bien de voir une romance complètement feel good. Oui, Love & Basketball est certes un peu cheesy, mais il n'en est pas moins tout à fait charmant"
Ca raconte quoi ? Dès la succès de son premier roman, on a dit de Calvin qu'il était le nouveau J.D. Salinger. Oui mais voilà, le jeune écrivain souffre désormais de l'angoisse de la page blanche. Et porte encore sur lui le poids de sa dernière rupture amoureuse. Tout change lorsqu'un soir, une femme lui apparaît en rêve. Il la couche sur le papier et l'appelle Ruby. Soudain, Ruby se met à vivre...
Entre poésie et ironie, déconstruction de tout un genre et fable moderne, le second film des auteurs de Little Miss Sunshine brille par son intelligence et son humour. Comme un crush parfait.
L'avis de l'experte : "Voilà un film incroyable qui déploie un éventail de niveaux de lectures et, du coup, s'adresse à plein de publics différents. Comédie romantique originale, mais aussi réflexion très intime sur la création romanesque, ou encore film d'apprentissage... Elle s'appelle Ruby est avant tout une critique de l'écriture des personnages féminins que les rom coms nous proposent depuis des décennies.
Le film interroge les attentes que peuvent nourrir les jeunes spectatrices – notamment - envers ces personnages en faisant un pied de nez aux romances qui tombent dans le piège de la 'Manic Pixie Dream Girl'. Je pense à 500 jours ensemble, chouette film mais dont la vision des femmes est problématique. Elle s'appelle Ruby pointe du doigt l'inexistence de ces personnages féminins censés cocher plein de cases (des jeunes femmes belles mais anti bimbos, fantasques et loufoques).
Zoe Kazan a scénarisé ce film où elle incarne elle-même la création d'un écrivain, c'est complètement méta ! Elle s'attaque à tout un idéal. Cet idéal est celui du protagoniste. Calvin ne fantasme pas tant les femmes que l'amour. Cet amour, il le transpose sur un type de femme 'rêvé'. On suit son processus de création, euphorique, mais également sa compréhension des limites, limites qui viennent impacter sa vie. En résulte une passion, mais aussi toute une souffrance.
Je ne suis pas certaine qu'un homme aurait pu avoir le recul nécessaire pour nous proposer une histoire aussi juste. On comprend en visionnant le film que Zoe Kazan est engagée en tant que femme-artiste et que son regard féminin de scénariste est très critique. Et encore très actuel. C'est un film atemporel"
Ca raconte quoi ? Marion est une photographe bobo sur les bords qui n'a qu'une attente : faire découvrir sa famille – et Paris – à son jules américain. Une semaine qui va s'annoncer plus mouvementée que prévue. Taxis parisiens réacs et maladies, civet de lapin, angoisse de castration et George Bush Jr : rien n'échappe à la plume acidulée de Julie Delpy, cinéaste inclassable de l'imaginaire hexagonal, irrévérencieuse et réjouissante.
L'avis de l'experte : "Voilà une comédie romantique pas comme les autres, pleine d'un humour redoutable, cruel, hyper mordant. Julie Delpy nous incite à rire, et surtout à rire de nous-mêmes, en mettant en évidence de manière exagérée les différences culturelles indéniables entre les français et les américains. Et en profite bien évidemment pour casser le fantasme mondial de Paris en tant que 'ville de l'amour'.
Pour ce faire, elle nous colle aux côtés d'Adam Goldberg, petit ami et touriste qui va subir la capitale de son regard étranger, empli d'incompréhension, de malaise et souffrance. D'un autre côté, impossible de ne pas aimer Marion. Notamment car le film brasse plein de thématiques féministes, comme l'avortement et les violences conjugales. Quand Marion s'énerve et vide son sac, c'est toujours hyper fort.
2 days in Paris est traversé de discours qui, on s'en doute, importaient pour Julie Delpy"
Ca raconte quoi ? Il ne voulait pas être son cavalier au bal de fin de promo ? Pas grave, Lola kidnappe Brent. Et le torture chez elle, en compagnie de son père. Et d'une boîte à outils. Drôle d'hybride, ce récit de tourtereaux teens mélange les codes des romances pour adolescents aux séquences les plus crades et gore des franchises Hostel et Saw. Une expérience à vivre – mais pas forcément durant votre déjeuner.
L'avis de l'experte : "Ou quand le sous-genre horrifique du torture porn rencontre la comédie romantique ! C'est un film d'horreur hardcore, qui va tellement loin que tu as du mal à le prendre au sérieux. En fait, c'est juste trop dégueu. Si bien que l'on ne se dit jamais 'ça pourrait nous arriver' tellement le film se fiche du réalisme – à grands coups de perceuse et d'eau bouillante.
Le personnage de Lola est une pure psychopathe. Elle a tous les vices. Elle est au coeur de cette histoire sordide qui reprend tous les codes de la comédie romantique pour en faire quelque chose d'horrible et de disproportionné. Ce qu'il y a de remarquable c'est que cette jeune fille tortionnaire est psycho sans raisons, motifs ou causes psychologiques. Non, c'est simplement totalement gratuit ! Comme l'ultraviolence dans le film.
Robin McLeavy est plus que crédible dans le rôle de Lola, surtout pour un personnage qui vrille volontiers au grotesque. The Loved Ones nous rappelle enfin que lorsque l'on parle de rom com, en terme d'attitudes des personnages notamment, l'on est finalement qu'à deux doigts du thriller psychologique ou de l'horreur. Il suffit d'un rien. C'est d'ailleurs ce que va parfaitement illustrer une série Netflix comme You.
Bref, voilà un film dont on se souvient longtemps, pour le meilleur et pour le pire"
Ca raconte quoi ? Jessica est comme toutes les héroïnes de comédies romantiques : elle est journaliste et new-yorkaise. Oui mais voilà, la jeune femme est bien décidée à casser les codes. Comment ? En tentant une "aventure" avec une consoeur féminine. Mais cette "tentation" va s'avérer bien plus complexe que prévu.
Quelques années avant l'apparition de The L Word, cette modeste rom'com abordait déjà relations lesbiennes et bisexualité à travers un écrin très mainstream. En résultent de savoureuses scènes qui se jouent des tabous et des clichés - comme cette "première fois" d'anthologie où Jessica énumère "l'attirail de la parfaite lesbienne".
L'avis de l'experte : "Une rom com qui se passe à New York, déjà : on adhère tout de suite, forcément. D'autant plus que le duo de comédiennes, Jennifer Westfeldt et Heather Juergensen, fonctionne très bien. Ce sont deux personnages complémentaires qui nous touchent, chacune à leur manière, et d'une façon finalement plus nuancée qu'on ne le penserait. On est complètement sous le charme du couple qu'elles interprètent.
Cependant, même si le film ne cite jamais le mot (comme si c'était un tabou), il nous parle bel et bien de bisexualité, et ce sans être problématique pour l'époque de sa sortie - il le fait d'une manière douce et bienveillante. Gros bémol pourtant : la fin, qui n'a pas bien vieilli. Vingt ans plus tard, on l'envisagerait autrement. On ferait mieux. Même si, malheureusement, les comédies romantiques LGBTQ ne sont pas encore légion..."