"Accoucher avec un masque empêche de respirer correctement. Arrêtez de perturber les accouchements, aidez plutôt les femmes !" Ces mots ont été publiés sur Twitter par le collectif Tou.te.s Contre les Violences Obstétricales et Gynécologiques, en réaction aux mesures de sécurité entreprises dans plusieurs maternités pendant la crise sanitaire. Ils encouragent aussi les concernées se livrer, via le hashtag #StopAccouchementMasqué, pour sensibiliser aux conditions parfois traumatisantes dans lesquelles elles ont dû donner la vie. Sans accompagnant·e, mais avec un masque sur le nez et la bouche. Et ce, malgré l'effort colossal que la naissance requiert.
"J'ai accouché avec un masque : 3 malaises à la poussée, impossible de bien respirer, obligée de m'arrêter de pousser en plein effort tellement je voyais des étoiles. La sage-femme a fini par me le faire enlever et c'était beaucoup plus efficace !", raconte une jeune femme sur le réseau social. "J'ai accouché par voix basse. Masque chirurgical imposé, je ne respirais pas assez bien selon la sage femme : mise sous oxygène 4L par lunette et toujours le masque au dessus", confie encore une autre. "Bah croyez-moi c'était l'horreur au moment de pousser je ne trouvais pas mon souffle...".
Auprès d'Europe 1, Sonia Bisch, présidente du collectif, dénonce le caractère arbitraire des consignes médicales pendant l'accouchement qui, selon elle, n'ont pas lieu d'être. "Pour l'instant, c'est à chaque maternité, voire à chaque soignant de décider en fonction du service. Ce n'est pas acceptable", explique-t-elle. En cause, l'absence de recommandations officielles, sur lesquelles plusieurs spécialistes sont justement en train de se pencher.
Les chiffres de femmes ayant accouché avec un masque n'existent pas, mais le collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a tout de même décidé de travailler sur la question. Au HuffPost, son Secrétaire général, le professeur Philippe Deruelle, donne un aperçu de ce que son équipe juge bon d'appliquer.
"Il ne faut pas recommander le port du masque pour les patientes qui ne sont pas Covid positives ou qui ne présentent pas de symptômes évocateurs. Les professionnels qui le souhaitent peuvent porter un masque FFP2 mais le masque chirurgical suffit à protéger à 85 %", estime l'expert. "Pendant le travail et après l'accouchement, quand la patiente est dans sa chambre, lorsqu'un professionnel de santé entre et que la consultation dure, on peut lui demander de porter un masque".
Pour Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des Gynécologues et Obstétriciens français (Syngof), la décision doit appartenir "à l'équipe médicale", en "s'appuyant sur la littérature scientifique et les recommandations". Nuance, donc. Il développe : "Le port du masque est nécessaire dans certaines zones où les poussées épidémiques sont vives, même si c'est très malcommode pendant le travail".
Seulement, là où le praticien dit "malcommode", les femmes, soutenues par plusieurs experts, crient "violences".
L'obligation du port du masque pendant l'accouchement doit-elle être considérée comme une violence obstétricale ? Si le collectif l'assure, Philippe Deruelle est moins catégorique. "Sur le fait d'obliger à porter le masque il y a six mois, je suis peu enclin à parler de violences obstétricales au vu de la situation et du peu de recul que l'on avait", admet-il au HuffPost. Il tranche toutefois : "Aujourd'hui, en revanche, continuer à l'imposer aux patientes sans explication, c'est une forme de violence. C'est une dominance du monde médical".
Pour Adrien Gantois, président du Collège national des sages-femmes (CNSF), ça ne fait aucun doute. "C'est choquant d'obliger des gens à porter un masque pendant l'expulsion. Il faut donner toute la liberté à chaque femme de vivre son accouchement", martèle-t-il au journal. Et de conclure : "Ne pas donner la possibilité aux patients de vivre un accouchement respecté, c'est une violence obstétricale"
Trois semaines après l'appel lancé par Tou.te.s Contre les Violences Obstétricales et Gynécologiques, Sonia Bisch affirme avoir déjà reçu plus d'un millier de témoignages. Et à les lire, "malcommode" semble un qualificatif bien faible, si ce n'est complètement inadapté.