Frida Kahlo est l'une des artistes et activistes les plus connues du XXe siècle. Peintre née au Mexique, elle fut membre du parti communiste et s'intéressa de près à l'émancipation des femmes dans la société mexicaine, alors très machiste. Pour elle, le plaisir faisait partie intégrante de la vie, et elle se détourna ainsi des attentes traditionnelles de l'époque. Elle fut très proche de la figure communiste Léon Trotsky, et nota dans son journal qu'on la prit à tort pour une surréaliste : "Ce n'est pas juste. Je n'ai jamais peint de rêves. Ce que j'ai représenté était ma réalité". Une réalité difficile, marquée par un accident de voiture dramatique qui l'empêchera de tomber enceinte, sa plus grande peine.
Avec une vie aussi riche que complexe, un parcours artistique reconnu de tous et toutes et des opinions politiques tranchées qui condamnent le capitalisme, difficile d'imaginer qu'elle serait un jour le visage d'une ribambelle de campagnes de marques. Surtout lorsque celles-ci produisent à outrance et offrent des conditions de travail plus que condamnables à leurs employé·es. Et pourtant, on trouve désormais des baskets, des t-shirts, des vernis à ongles ou même des emojis et des protections périodiques à l'effigie de Frida Kahlo.
L'exemple le plus récent ? Une gamme de maquillage signée Ulta Beauty, qui propose une palette de fards à paupières associée au slogan "Never Apologize For Who You Are" ("Ne t'excuse jamais pour qui tu es", en français). Un bien joli mantra qui rentre dans la tendance de l'acceptation de soi, exploitée à l'extrême par de nombreuses enseignes - avec plus ou moins de sincérité.
Manque de bol, pour Ulta Beauty, c'est un gros raté. Sur la pub, on peut voir le célèbre portrait de l'artiste avec ce qui semble être l'une des nuances de la palette sur les yeux et... son emblématique monosourcil tout simplement gommé. Une honte pour de nombreux·ses internautes, qui n'ont pas caché leur mécontentement.
"Frida n'aurait JAMAIS voulu ça. Styliser ses sourcils et éclaircir sa peau ? Elle était anticapitaliste et communiste", rappelle l'une. "Ulta Beauty ne paie pas de salaire décent à ses employé·es, mais veut vendre des produits avec Frida Kahlo dessus", dénonce l'autre. Vu les réelles incohérences entre la pensée politique de la peintre et les valeurs des marques qui utilisent son nom, c'est à se demander qui contrôle son image.
A l'occasion de la sortie d'une Barbie Mattel aux traits de Frida Kahlo, dont la peau avait une fois de plus été éclaircie et le monosourcil effacé, sa grande-nièce avait déploré le résultat auprès de l'AFP. "J'aurais voulu que la poupée ait davantage les traits de Frida, pas cette poupée aux yeux clairs. La poupée devrait représenter tout ce qu'incarnait ma tante : sa force".
La famille a fondé en 2005 la Frida Kahlo Corporation, en association avec Casablanca Distributors, à laquelle les droits sur son image appartiennent. Seulement, par la suite de l'affaire Mattel, leur avocat a expliqué que ces derniers n'auraient pas respecté le contrat, en omettant d'informer les proches de l'usage fait du nom de l'artiste.