Terrafemina : Blogueuse depuis des années*, comment vous est venue l’envie d’écrire un livre** ?
Camille Anseaume : Je pense que comme beaucoup de blogueuses, ayant un goût prononcé pour l’écriture, j’avais envie à terme de faire un livre. Ca fait hyper cliché de dire ça mais j’ai toujours eu envie d’écrire. Petite, j’avais un journal intime, j’ai toujours écrit les discours de mariage, l'écrit est vraiment le moyen de communication dans lequel je me sens le plus à l’aise. Le blog a vu le jour en 2007 et si, au départ, je publiais mes petites chroniques dans mon coin, un jour, 20 Minutes m’a consacré un portrait, ce qui m’a ramené ensuite beaucoup de lecteurs. Ca a été une raison de plus pour l’alimenter.
Tf : Et comment le livre a-t-il été publié ? Avez-vous envoyé votre manuscrit au petit bonheur la chance ?
C. A. : En fait, j’ai gagné un concours de nouvelles organisé par aufeminin. Lors de la remise des prix, j’ai rencontré des éditeurs dont certains m’ont dit que le thème de mon écrit – celui d’une grossesse non désirée – valait le coup d’être développé. Et c’est vrai que ce format avait été frustrant pour moi, j'avais envie d'en dire plus. J’attendais juste cette espèce d’approbation pour me lancer.
Tf : Cette histoire d’une grossesse non désirée est-elle la vôtre ? S’agit-il d’autofiction ?
C. A. : Je pense que je n’aurais pas pu la traiter sans avoir traversé moi-même cette période-là. En revanche, l’objectif n’est vraiment pas de raconter ma vie, mon œuvre mais de partir d’une situation donnée pour développer cette période si particulière de la vie d'une femme. C’est fou parce que la maternité, c’est à la fois la chose qu’on peut projeter le plus précisément du monde – j’entends souvent des filles programmer la date à laquelle elles tomberont enceintes parce que pour la crèche, ce sera pratique – mais qui peut aussi nous tomber dessus sans prévenir. Je crois d’ailleurs que c’est le seul truc dans la vie qui puisse tout autant être le fruit d’un hasard complet que d’une décision réfléchie.
Tf : Est-ce que vous avez reçu beaucoup de témoignages de femmes ayant eu à faire ce choix ?
C. A. : Oui, plein. Ca a été une énorme surprise . Ce qui m’a étonnée, c’est que je m’attendais à recevoir des témoignages de femmes ayant traversé exactement la même chose or, j’ai reçu plein de mails de lectrices qui se sont senties concernées sans l’avoir vécu. Par exemple, des femmes qui avaient pris la décision de ne pas garder l’enfant et qui me disaient : « votre livre m’a conforté dans le fait que j’avais pris la bonne décision». Ce qui m’a soulagée car j’avais vraiment à cœur de ne pas délivrer le message que la bonne solution, c’est de garder un enfant. C’était hyper important qu’il n’y ait pas de malentendu là-dessus. Et visiblement ça a été compris. J’ai aussi des femmes qui m’ont parlé de leur grossesse complètement prévue, programmée, avec un mari et la chambre déjà décorée mais qui s’étaient reconnues dans le livre parce qu’elles avaient vécu cette espèce de vertige que l’on ressent quand on tombe enceinte. Que l’on se dit « Mais quelle folie, est-ce que je vais y arriver ? »
Tf : Effectivement, au-delà de la grossesse imprévue, votre livre ne questionne-t-il pas de façon plus large sur le ressenti de la grossesse tout court ?
C. A. : Si, et ça me fait plaisir que les lectrices l’aient ressenti comme cela. Il s’agissait de partir d’une situation particulière pour aborder le paradoxe et les contradictions qu’il y a dans le fait de donner la vie. Je voulais avant tout parler de la complexité de la maternité.
Tf : Et pourtant, vous êtes loin de la tendance « mère indigne »
C. A. : Cette tendance m’amuse, évidemment. Mais je trouve un peu cliché parfois de dire que la mère indigne serait forcément une bonne ou mauvaise mère parce qu’elle colle son enfant devant un DVD ou lui fait manger des cochonneries. On peut aussi se sentir mère indigne parce qu’on n’assume pas d’avoir donné la vie.
Tf : Avez-vous été contacté par des anti-avortements choqués par vos propos ?
C. A. : Heureusement non. Ni pour me « féliciter » d’avoir gardé l’enfant, parce que, encore une fois, mon propos n’est pas d’indiquer une marche à suivre, ni dans le sens inverse. Au contraire, beaucoup de femmes se sont senties déculpabilisées parce que, ne nous le cachons pas, aujourd’hui, l’avortement est encore accompagné d’une forme de culpabilisation pour les femmes. Pourtant, garder ou non un bébé, ça demande un sacré courage. Le courage, c’est justement de prendre la bonne décision en faisant fi de l’entourage ou de la société, de trouver la solution qui sonne juste pour soi. C’est pour cela que j'ai voulu le ton du livre drôle et léger.
>> Droit à l'avortement : quelle est la situation en Europe ? <<
Tf : Qu’est-ce que la publication du livre a changé dans votre vie ?
C. A. : Déjà, j’ai pris un pied monstrueux à l’écrire. Puis à recevoir des mails, à lire les commentaires sur les sites, à avoir des billets de blogs. Ca a été une année de bonnes ondes que j’ai stockée avec bonheur.
Tf : Aujourd’hui, êtes-vous dans l’écriture d’un nouveau roman ?
C. A. : Oui. Et ce ne sera pas la suite. Je n’ai pas envie de la raconter. Il se passe ce que le lecteur veut. Je n’ai surtout pas envie de valider ou non la décision de l’héroïne. A chacun de s’inventer la suite qui lui convient.
* Café de filles, le blog de Camille Anseaume
** Un tout petit rien, Camille Anseaume, Pocket