Enceinte de neuf mois, mais refoulée des urgences.
Une femme noire a du accoucher sur le parking de l'hôpital privé Dijon-Bourgogne, car on ne l'acceptait pas auprès du service des urgences de nuit. Et ce malgré l'imminence de la venue au monde de son fils - à qui elle a finalement pu donner naissance. Les faits se sont passés le 1er novembre dernier, sous les yeux de son mari. La nouvelle semble folle, elle est pourtant vraie, et la principale concernée, épaulée par son mari, le déplore aujourd'hui : "On nous a volé ce moment !".
Plus encore, couple et internautes, aux réactions abondantes, s'alarment des conséquences éventuelles que ce refus des urgences aurait pu engendrer sur la mère, comme sur le bébé. "La situation aurait pu virer au drame", déplore la maman dans les pages de 20 minutes. "Si on nous avait ouvert, mon fils serait né au chaud, pas dehors. Il avait les lèvres bleues et a fait deux heures de couveuse", fustige-t-elle encore. Un inconnu a même du aider la mère de famille. Et pas un membre du personnel soignant, des urgences, ou du service maternité...
Plus de peur que de mal, mais un constat : ce n'est pas la première fois qu'une femme noire n'est pas prise au sérieux par un service d'urgences, un personnel soignant, un médecin ou un hôpital. "Notre réflexion médicale est sexiste et raciste", explique d'ailleurs le professeur Xavier Bobbia à France Télé. "C'est comme cela partout. Elle s'appuie sur l'expérience, le vécu, le ressenti et aussi les convictions. La preuve, les médecins femmes sont tout aussi discriminantes que les médecins hommes pour évaluer la gravité des symptômes d'une femme !".
En vérité, cela porte même un nom...
"Les femmes noires ont trois fois plus de risques de mourir que les autres des suites des risques suscités par un accouchement"
Cela, c'est la championne Serena Williams qui le rappelle. L'espace d'une prise de parole, l'ex tenniswoman avait dénoncé ce que subissent les femmes noires durant leur accouchement. Quand elle parole d'un risque "triplé", elle parle bien des femmes noires en pleine grossesse aux Etats-Unis. "Chaque mère, où qu'elle soit, quelle que soit sa couleur de peau ou son origine, mérite d'avoir une grossesse et un accouchement sains", s'indignait la sportive dans ce témoignage à retrouver en intégralité ici.
Serena Williams s'appuie sur les chiffres des Centers for Disease Control and Prevention - les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, l'agence fédérale de protection de la santé publique des Etats-Unis. Des établissements qui fustigent "une négligence médicale" et tous les préjugés racistes qui en découlent.
Derrière ce constat se cache en fait un syndrome qui touche particulièrement les personnes racisées, et parmi elles les patients d’origine nord-africaine et africaine : le syndrome méditerranéen. Ce syndrome désigne un phénomène raciste : l'idée selon laquelle ces patients "exagèrent leurs symptômes et leurs douleurs", décortique Radio France à propos de ce terme bien spécifique initié par le médecin Édouard Brissaud en 1908. Oui, cela ne date pas d'hier. "On parle d'exagération, de simulation, de théâtralisation".
"C'est un fantasme selon lequel les personnes originaires du pourtour méditerranéen seraient moins résistantes à la douleur ou exprimeraient plus cette douleur qu'un patient caucasien. Cette idée est saugrenue, mais elle aurait fait son chemin au sein de notre système de santé", déplore Inter, qui rappelle le côté intersectionnel de ce "syndrome" discriminant : "les discriminations ne s'ajoutent pas, elles se multiplient : les femmes racisées les cumulent car les femmes tout court sont marquées par l'histoire de l'hystérie et la médecine, par les expériences sur les femmes noires".
Aujourd'hui cependant, Valérie Fakhoury, directrice de l’établissement et du Pôle Bourgogne du groupe Ramsay santé, reconnaît auprès de 20 Minutes que le personnel des urgences aurait "mal évalué le caractère imminent de l’accouchement", reconnaît "une situation exceptionnelle" et "un dysfonctionnement".