Sa candidature surprise début juillet à l'élection présidentielle américaine de novembre prochain aurait pu rester une vaste blague, un "trollage" de plus de cet artiste surdoué, coutumier des bizarreries, annonces fantasques et des coups d'éclat. Mais Kanye West semble déterminé. Ou du moins, il tente de donner le change. Et son premier meeting a viré au happening surréaliste ce dimanche 19 juillet à Charleston en Caroline du Nord. Le rappeur, qui avait révélé être atteint de bipolarité, a livré un discours aussi décousu que dangereux.
Lors de ce speech lunaire, vêtu d'un gilet pare-balles et entouré d'une myriade de fans, il s'est par exemple lancé dans une diatribe très intime, dévoilant ainsi que son épouse Kim Kardashian avait failli avorter de leur premier enfant.
"Je me rappelle que ma copine m'avait appelé en hurlant et en pleurant - et je ne pensais pas, parce qu'à l'époque j'étais un rappeur populaire, j'avais plusieurs meufs et tout ça... -, donc elle a dit 'je suis enceinte'. Et moi, j'ai dit 'Oui, oh oh...'. Elle pleurait... Pendant un mois, puis deux, puis trois, on parlait de ne pas avoir cet enfant. Elle avait les médicaments dans sa main...", raconte le chanteur.
Il poursuit : "Dans l'appartement où ma femme a été braquée, j'avais mon ordinateur où il y a toutes mes idées créatives, mes chaussures et mes prochaines chansons... et l'écran est passé en noir et blanc. Là, Dieu a dit : 'Si tu casses ma vision, je vais casser la tienne.' J'ai appelé ma femme et elle a dit : 'On va avoir ce bébé'", achève-t-il.
Kanye West a ensuite dévoilé que sa propre mère, Donda West, avait fait le même choix alors qu'elle était enceinte de lui, il y a 43 ans. "Ma mère m'a sauvé la vie. Mon père voulait que ma mère avorte de moi. Ma mère m'a sauvé la vie. Il n'y aurait pas eu de Kanye West parce que mon père était trop occupé".
Pleurant et balbutiant quelques mots entre deux sanglots face à des supporters médusés, il hurle : "J'ai failli tuer ma fille", évoquant sa fille aînée, North, aujourd'hui âgée de 7 ans.
Si Kanye West estime que l'avortement devrait rester légal, il proposerait des aides financières pour les femmes en difficulté afin de décourager le recours à l'IVG. "Tout le monde qui a un bébé devrait toucher un million de dollars", avance-t-il sans sourciller. "Si vous aviez la chance que l'on vous donne un million de dollars, est-ce que vous n'y réfléchiriez pas ? Et du coup, tout le monde commencerait à avoir des enfants, le plus beau cadeau de la vie."
Alors que ses proches craindraient un nouvel épisode de crise bipolaire du rappeur selon le site TMZ, ce discours inquiétant intervient alors le droit à l'avortement se trouve menacé, après l'adoption de lois particulièrement restrictives dans plusieurs Etats et que les militants "pro-life" tentent de venir à bout de l'arrêt emblématique "Roe V. Wade" de 1973 (légalisant l'IVG aux Etats-Unis) par le biais de la Cour suprême, aujourd'hui majoritairement républicaine. Le tout sous le regard complice et bienveillant de Donald Trump, anti-IVG notoire, premier président à avoir participé à une manifestation anti-avortement.
Ce même Donald Trump avait d'ailleurs jugé la candidature surprise de Kanye West "très intéressante". Le rappeur avait offert son soutien au milliardaire républicain lors de l'élection de 2016 et l'avait rencontré à la Maison blanche en 2018.
Mais cette mauvaise plaisanterie pourrait ne pas durer. En effet, Kanye West, qui a annoncé sa candidature le 4 juillet, a déjà manqué la date limite pour se qualifier pour le scrutin dans plusieurs États, comme le rappelle la BBC. S'il s'est qualifié la semaine dernière pour figurer sur le bulletin de vote présidentiel de l'Oklahoma, il doit à présent recueillir 10 000 signatures avant lundi midi pour prétendre concourir en Caroline du Sud. Pas sûr qu'après ce discours, "Ye" ait fait mouche.