Choc en Grande-Bretagne. Ghoncheh Ghavami, une étudiante en droit de 25 ans, arrêtée par les autorités iraniennes le 20 juin dernier pour avoir voulu se rendre à un match de volley-ball masculin, a été condamnée à un an de prison à l'issue d'un procès pour « propagande contre le régime », une accusation très large souvent utilisée par la justice iranienne.
La jeune Irano-Britannique refuse désormais de s'alimenter, et suscite l'inquiétude du Royaume-Uni. Au point de contraindre David Cameron à monter au créneau et d'en appeler à l'intervention du président Hassan Rohani.
Ghoncheh Ghavami a déjà passé 130 jours en prison. 130 jours d'incompréhension comme l'a souligné Mahmoud Alizadeh Tabatabaie, l'avocat de la jeune femme, dimanche 2 novembre : « Le verdict ne m'a pas encore été signifié officiellement mais le juge me l'a montré et ma cliente a été condamnée à un an de prison », a-t-il confié aux médias britanniques.
Au prononcé du verdict, la famille de la jeune femme s'est dite « effondrée » : « Nous sommes très déçus car nous pensions qu'elle pourrait sortir de prison immédiatement. Elle a traversé beaucoup de choses, et maintenant c'est une condamnation à une année entière alors qu'elle est déjà détenue depuis 4 mois », a déclaré au Guardian le frère de Ghoncheh, Iman Ghavami.
Une situation d'autant plus choquante que l'étudiante elle-même ne serait pas au courant de sa propre condamnation, comme l'a expliqué son frère sur la chaîne britannique 4 News : « Je ne crois pas qu'elle sache la teneur du verdict. C'est encore non-officiel : les juges ont seulement montré ce verdict à l'avocat de ma soeur ».
Depuis cette interview donnée dimanche, les choses se sont accélérées à Téhéran. Alors qu'elle avait entamé une première grève de la faim de 14 jours à la mi-octobre afin de protester contre sa détention et l’absence de procès, Ghoncheh Ghavami refuse, à nouveau, de s'alimenter, a déclaré lundi soir ce même frère à l’AFP. « Elle a commencé une grève de la faim samedi », a-t-il indiqué dans un entretien téléphonique, rapporté par Libération, avant de préciser qu'elle « ne mange aucune nourriture solide et ne boit aucun liquide ».
L'avocat de la jeune femme dénonce de son côté le manque de clarté de la procédure arguant que le délai pour annoncer formellement la sentence est désormais dépassé. « L’affaire n’est pas claire [...] je ne comprends pas pourquoi ils ne veulent pas rendre le verdict public alors qu’ils en ont pris la décision ». « C’est une question qui nous préoccupe énormément. Ils n’ont pas de bases légales pour la maintenir en détention », a-t-il poursuivi.
Sur Facebook, la famille et les amis de Ghoncheh ont lancé une campagne pour obtenir sa libération. La page dédiée à sa cause rassemble déjà près de 27 000 utilisateurs du réseau social. Une pétition en ligne, sur le site Change.org, appelle également à la libération de l'Irano-Britannique et rassemble à ce jour plus de 715 000 signatures.
Le président iranien « impuissant » pour aider Ghoncheh Ghavami
Une mobilisation qui attire désormais fortement l'attention de la diplomatie du Royaume-Uni. Dimanche 2 novembre, Londres s’est déclaré « préoccupé » par ce verdict. « Nous nous interrogeons sur le motif des poursuites, l’équité du procès et les conditions de détention de Mademoiselle Ghavami », avait indiqué à l’AFP un porte-parole du Foreign Office.
En septembre, David Cameron avait évoqué le cas de la citoyenne britannique devant le président iranien Hassan Rohani, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York. Le Premier ministre britannique avait alors souligné « l'impact que ce genre de cas peut avoir sur l'image de l'Iran au Royaume-Uni », selon un porte-parole de Downing Street.
Interrogé à plusieurs reprises sur les cas d'exécution et de détention en Iran, « le président Rohani a toujours affirmé que l'autorité judiciaire est indépendante de son gouvernement », rapporte France24.
Mais que reprochent réellement les autorités iraniennes à Ghoncheh Ghavami ? La future avocate avait été interpellée le 20 juin alors qu’elle participait à un rassemblement de femmes voulant assister à Téhéran à une rencontre de la Ligue mondiale de volley entre l’Italie et l’Iran, qui fait partie de l’élite de ce sport. Une arrestation qui rappelle avec force l'absence de libertés dont souffre toujours la société iranienne, et en particulier les femmes, et qu'il est important de médiatiser. Tout juste, peut-on regretter que certains journaux n'en profitent pour se laisser aller à une certaine islamophobie.
Ainsi, dans un court article titré « Des femmes embastillées » de son édition du 5 novembre, le Canard Enchaîné — d'habitude assez irréprochable – résume l'affaire en ces termes : « quand on est une femme en pays musulman, mieux vaut ne pas monter au filet si on ne veut pas se retrouver au ballon ». Un subtil jeu de mots du Palmipède laissant entendre que l'islam serait forcément misogyne et autoritaire, conclusion un peu hâtive, non ?