Les langues se délient à l'heure des prises de parole courageuses de Judith Godrèche. A travers sa géniale minisérie, extrêmement caustique, ses témoignages dans les médias, comme Le Monde, ou encore son discours le 23 février dernier lors de la cérémonie des César... Pour rappel, l'actrice a le mois dernier porté plainte contre Benoît Jacquot, pour "viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans commis par personne ayant autorité", tout en accusant un autre cinéaste, Jacques Doillon, d'agression sexuelle.
Pour Télérama, en portant plainte contre Benoit Jacquot et Jacques Doillon, Judith Godrèche "a exposé l'envers d'un mythe sacralisé par le cinéma d'auteur : la muse et le pygmalion". Cette "mécanique de domination" est aujourd'hui abordée frontalement par une autre actrice : Macha Méril.
Pionnière du féminisme, celle qui fut dirigée par Eric Rohmer, Roger Vadim, Jean-Luc Godard, s'est permise d'aborder une icône de la Nouvelle Vague... A savoir ? François Truffaut. "Homme qui aimait les femmes", cinéaste qui a immortalisé de son regard Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Fanny Ardant...
Une figure trop idéalisée par la critique, le milieu et les comédiennes ? Peut être, sous entend Macha Méril dans Le Parisien : "Vous savez, François Truffaut, si respecté, n'est pas exempt de la liste des cinéastes qui ont abusé des femmes à des fins pas très honnêtes. Il n'était pas blanc bleu".
"Je n'ai pas envie de rendre public ce qui m'est arrivé avec lui quand j'étais une jeune actrice. Et sans défense..."
"J'avais joué dans un film de Godard, avec qui il était brouillé à mort. Il fallait qu'il lui prenne la comédienne. Il faut que ça cesse, ces jeux de puissance. Cela veut dire une révision profonde des relations entre metteurs en scène et actrices. Le cinéaste qui s'amourache, c'est très trouble, mais pas anormal", a poursuivi l'actrice dans les pages du Parisien.
Et Macha Méril de dénoncer : "Il y a une intimité dans le cinéma, même dans la manière de filmer un visage. C'est là qu'il faut savoir garder ses distances. Le problème, c'est de ne pas faire la différence entre le fantasme créatif et le réel. Il faut donner aux femmes les instruments pour se défendre, et ne pas leur promettre : Si tu fais ça, je te donnerai d'autres rôles. C'est de l'exploitation".
"Il y a eu surtout dans le monde du spectacle avec ces rapports de pouvoir, une impunité totale, franchement, et je vous assure que toutes les actrices, y compris moi, on a été importunées par des producteurs, des agents, des metteurs en scène. Elles ont eu à souffrir des hommes. Toutes les femmes de ma génération ont vécu ce qui est raconté aujourd'hui. Cette séduction des mâles adultes pour une très jeune fille, c'est si courant"
Des paroles d'une violente lucidité, qui font beaucoup écho aux mots de Judith Godrèche. Le passage au crible féministe de tout un imaginaire de cinéastes "auteurs", dont la Nouvelle Vague constitue la racine, incite forcément à se pencher sur les oeuvres de Jean-Luc Godard, François Truffaut, Eric Rohmer...
A propos de ce dernier, l'actrice Marie Rivière (l'héroïne du bouleversant Rayon vert) éclaircissait récemment encore : "On ne peut pas mettre tous les cinéastes dans un même panier. Eric Rohmer n'était pas un vampire avide de jeunes filles. Ils montraient l'âme des femmes, pas leurs culs. Toutes ses actrices pourraient le défendre".