"Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas. Ou à peine. Où êtes-vous ?". Prononcés le 23 février dernier lors des César, ces mots amers de Judith Godrèche à son auditoire ne quittent pas nos oreilles. "Un chuchotement, un demi-mot, ce serait déjà ça..."
Alors que les artistes masculins s'expriment peu à peu (Vincent Lindon et Maurice Barthélémy récemment), une autre voix d'acteur/réalisateur semble répondre à la question rhétorique de l'actrice. Et pas la moins apaisée : celle de Mathieu Kassovitz . Sur le plateau de BFM TV, l'acteur et metteur en scène est revenu sur le témoignage de celle qui a porté plainte contre Benoît Jacquot, pour "viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans commis par personne ayant autorité", tout en accusant Jacques Doillon d'agression sexuelle.
On écoute "Kasso" : "J'étais horrifié. Tous ces gens qui applaudissaient Benoît Jacquot. C'était ça, le cinéma français. C'étaient ces gens-là. Et quand tu les voyais mariés à une femme de 14 ans, personne ne gueulait, tout le monde trouvait ça hyper romantique !". Et l'artiste ne s'est pas arrêté là...
A l'affiche du prochain film de Thierry Klifa, Mathieu Kassovitz, dont le franc parler est légendaire, a également fustigé : "Je voudrais voir plus de femmes qui mettent des tartes dans la gueule des mecs. Je voudrais voir plus de femmes dans les cours d'arts martiaux, de MMA, de self-défense. Personne ne peut se permettre de parler comme ça, de te toucher comme ça, donc il faut apprendre à se défendre contre ça"
Une approche du problème pour le moins... Directe. Entre les lignes, l'auteur de La haine épingle un vrai phénomène, par-delà les violences sexistes et sexuelles : la romantisation de ces dernières, de la relation d'emprise, du pygmalion et de sa "muse", vision largement banalisée dans le cinéma français.
Comme un écho aux mots de Judith Godrèche au soir des César : "Depuis quelque temps, la parole se délie, l'image de nos pères idéalisés s'écorche. Le pouvoir semble presque tanguer. Serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face, prendre nos responsabilités ?"... Judith Godrèche, qui avait conclu le lendemain, dans le Parisien : "Je veux savoir ce qu'on va faire maintenant. Mon propos, c'était : 'Et maintenant, agissons !"
On pense aussi à cette réflexion de Télérama : "En portant plainte contre Benoit Jacquot et Jacques Doillon, Judith Godrèche a exposé l'envers d'un mythe sacralisé par le cinéma d'auteur : la muse et le pygmalion. Une mécanique de domination facilitée par la complaisance de certains producteurs, agents et critiques"