C’est après de longs mois de débats animés et virulents que l'Assemblée devrait voter cet après-midi le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Dans cette dernière ligne droite, l’opposition ne dépose pourtant pas les armes et l’assure : elle reviendra sur le texte dès son retour au pouvoir. Si elle crie au loup et assure qu’elle pourra sans souci détricoter la loi socialiste, qu’en est-il réellement ? Annonce politique ou réalité juridique ? Une chose est sûre, les couples gays mariés ne pourront pas être « démariés », comme l’avait souhaité notamment Valérie Pécresse : une loi n’a pas d’effet rétroactif. Cependant, certains élus de droite proposent de contourner le problème en créant un « statut d'union civile » où seraient transférés les droits des couples homosexuels. Un changement de mots donc, qui supprimerait de facto le concept de « mariage » gay sans priver les homosexuels des droits apportés par ce dernier… Une procédure qui reste cependant floue, ce qu’avait déjà compris Christine Boutin : « On ne pourra pas revenir en arrière, on ne peut pas démarier des gens ».
Par ailleurs, l’Histoire nous apprend que l’opposition, qu’elle soit de droite ou de gauche, abroge rarement une loi votée par ses prédécesseurs. Exemple frappant : l’abolition de la peine de mort, projet porté par Français Mitterrand contre la grande majorité de l’opinion publique de l’époque. Si, entre 1984 et 1995, 27 propositions de loi visant à rétablir la peine capitale seront déposées au Parlement, la droite ne reviendra finalement jamais sur le texte de loi. Entre temps, l’opinion française aura évolué, devenant majoritairement abolitionniste. D’autres textes de loi grandement décriés par l’opposition sont ainsi restés en place malgré le retour au pouvoir de cette dernière, comme celui imposant les 35 heures. Si le gouvernement Sarkozy a profondément modifié la loi, elle n’a pour autant pas été abrogée, alors que Nicolas Sarkozy la taxait d’ « erreur monumentale » et de « stratégie suicidaire ».
À l'étranger, les nouvelles majorités n'ont pas non plus réussi ou voulu abroger le mariage des couples de même sexe. Chez nos voisins espagnols, Mariano Rajoy avait ainsi laissé entendre durant sa campagne en 2011 qu'il reviendrait sur le mariage homosexuel adopté en 2005 : aujourd’hui, la loi est toujours en vigueur et a même été validée par le tribunal constitutionnel espagnol. En Californie, les républicains ont quant à eux tenté d’annuler les mariages conclus entre couples de même sexe : en vain, cette interdiction a été jugée « anticonstitutionnelle » par la cour d'appel fédérale de San Francisco.