Lifestyle
Une pro du vintage nous donne ses meilleurs tips
Publié le 21 juin 2021 à 19:04
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Autrice des "1001 vies du vintage", livre engagé sur la mode de seconde main, Aurélie Vassy nous énumère quelques réflexes à adopter pour dénicher des merveilles d'un autre temps avec passion et dextérité. De quoi se défaire de nos habitudes fast-fashion pour de bon.
Une pro du vintage nous donne ses meilleurs tips Une pro du vintage nous donne ses meilleurs tips© Adobe Stock
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Le vintage est à la mode. Son caractère unique, son histoire, la façon dont il permet une transmission précieuse par sa durabilité : il s'oppose bravement à la fast-fashion, représentant l'opposé inverse de cette industrie par bien des aspects destructrice.

C'est en tout cas ce qu'explique Aurélie Vassy, fondatrice de la maison de vente aux enchères Shine A Lot, dans son ouvrage Les 1001 vies du vintage (ed. Kiwi). 200 pages au cours desquelles elle dissèque ce qui se trame derrière la seconde main, interrogeant notamment seize acteurs et actrices du marché, et décrypte pourquoi l'essayer, c'est l'adopter. "Nous sommes dans un monde qui oublie, ne se souvient plus, détruit ce qu'il construit constamment", nous confie-t-elle par téléphone. "Le vintage incarne donc la promesse du temps perdu, de la nostalgie. Du passé, du présent et du futur."

Aujourd'hui, elle nous livre aussi de précieuses recommandations d'experte destinées à celles et ceux qui, encore novices, aimeraient se tourner davantage vers ce mode de consommation plus en ligne avec leurs valeurs responsables et respectueuses. Des tips pratiques, des connaissances à avoir, des adresses à noter. Autant d'informations qu'on s'empresse de retenir pour chiner.

"Les 1001 vies du vintage", d'Aurélie Vassy © Editions Kiwi
Terrafemina : D'abord, quel genre de pièces se procurer quand on opte pour le vintage ?

Aurélie Vassy : Je conseille d'une part d'acheter des pièces intemporelles, qui font partie du passé culturel de la mode. Des pièces créées par de grandes griffes, de grandes maisons. Le vintage s'inscrit dans une économie circulaire : plus qu'acheteurs, nous sommes passeurs du vêtement. L'idée est d'en faire profiter d'autres dans un, deux, voire dix ans. Acheter des pièces intemporelles permet ainsi d'effectuer une bonne revente, mais aussi de ne pas vous en lasser. Une veste vintage Yves Saint Laurent rentre tout à fait dans les codes actuels. Idem pour une robe chemisier des années 80 signée Céline, qui redevient tendance.

Je recommande ensuite de miser sur des accessoires. Un choix beaucoup plus libre car on peut très bien partir sur des ceintures, des boucles d'oreilles, des bracelets qui ne sont pas griffés, et qui, malgré tout, offrent un style unique.

La mode vintage, c'est la promesse de l'unicité. On est aujourd'hui dans un monde uniformisé, où la mode devient le véhicule identitaire par excellence. Et être unique à travers le vintage peut passer par une ceinture, tout simplement. Vous pouvez porter une tenue banale, mais en l'agrémentant d'une ceinture dotée d'une énorme boucle, conçue dans un cuir ou dans une toile particulière, d'un coup, vous sortez du lot.

Plus précisément, quels seraient les vêtements vintage à shopper les yeux fermés ?

A. V : D'abord, la veste. Si possible, un modèle de tailleur ou de smoking. Allez dans n'importe quel dépôt vente en France, dans n'importe quelle fripe, et vous trouverez des vestes vintage. C'est l'élément intemporel qui peut être porté à n'importe quel moment de la journée.

Ensuite, la blouse ou la chemise, que l'on peut trouver à tous les prix, comme sur la friperie en ligne Imparfaite, par exemple. En troisième, le jean. Les jean Levi's vintage notamment, particulièrement prisés puisque la marque ne dispose plus des mêmes matières aujourd'hui. C'est le principe du jean patiné, retravaillé. Ce sont des pièces basiques qui vont durer. Dans le vintage, il faut privilégier le produit pour sa durabilité.

Enfin, ce sont les chaussures. Lorsqu'elles sont en très bel état, que la semelle est en très bel état, on peut mettre la main sur des pièces iconiques qui ponctuent parfaitement la silhouette. Comme les sandales bicolores de Chanel, qui se trouvent en dépôt vente pour seulement 80 euros, lorsqu'on cherche bien.

A ce sujet, où trouver du vintage abordable ?

A. V : Le bon chineur va être dans une logique en trois étapes.

D'abord, la recherche. Celle-ci se fait en boutique physique - dans n'importe quel dépôt vente ou dans les grandes enseignes de fourre-tout comme Emmaüs, où se cachent des choses phénoménales à petit prix - ou en ligne. Pour l'offre online - par exemple sur Vinted, Vide Dressing, Le Bon Coin, il y a un vrai travail de fouille, d'entraînement. C'est un moyen par lequel on peut encore dégoter des pièces rares et peu chères parce que ce sont des annonces entre particuliers. Et ce sont les plus intéressantes économiquement.

Ensuite, il y a l'analyse. Il faut garder la tête froide. Se demander : le produit est-il rare, quel est l'état de cette pièce ? Finalement, le vintage nous force à devenir des experts en mode. En ligne ou en boutique, il faut être exigeant.

Et enfin, il faut marchander. Il est essentiel de faire perdurer les techniques de marchandage. Au XIXe siècle, au moment où la fripe jouissait d'un essor économique européen très important, 1500 fripiers travaillaient au Carreau du Temple (dans le IIIe arrondissement de Paris, ndlr) et on y négociait les prix. Une habitude qu'il faut faire perdurer.

A noter également que c'est souvent lors des ventes aux enchères que l'on peut faire les meilleures affaires. Il y a moins de choix, il faut davantage chiner, se renseigner, mais les différences de prix vous rendent gagnant.

Comment bien choisir un 501, l'une des pièces les plus convoitées actuellement ?

A. V : Il y a aujourd'hui deux offres : boutique et Internet. En boutique, vous pouvez essayer. Cela permet d'éviter les mauvaises surprises. En ligne, vous prenez certes le risque que ça ne vous aille pas, mais l'avantage c'est que vous pouvez revendre le produit. Vous le remettrez facilement dans l'économie circulaire, sans perdre d'argent ni de temps.

Pour un jean, il y a également la possibilité de le faire reprendre chez un tailleur. C'est pour cela qu'il faut absolument choisir une taille au-dessus. Aux hanches... mais surtout en termes de longueur. Posez la question aux vendeurs sur ces critères. Un pantalon plus long et large pourra être modifié chez un professionnel. Vous pourrez le couper ou le rétrécir. A savoir que les tailles n'étaient pas les mêmes à l'époque non plus. Ne pas hésiter à demander des précisions, donc.

Conseilleriez-vous d'acheter de la lingerie et des maillots de bain vintage ?

A. V : La question de l'hygiène revient souvent dans la seconde main et le vintage, notamment sur les sous-vêtements, mais je dirais que le seul problème qui pourrait résider à ce sujet, c'est sur les chaussures. Vous aurez beau les nettoyer, il y aura toujours le passage du pied, du corps de l'ancien propriétaire, que vous ne pourrez pas faire partir.

La lingerie, s'il s'agit de produits très haut de gamme - Miss Dior, La Perla, Erès... - il faut demander l'état. Est-ce que la pièce a été portée ? Si oui, c'est à vous de faire le point entre votre capacité à accepter et le risque que vous prenez. Sinon, il n'y a aucun souci. La lingerie et les maillots se lavent, et vous pouvez les refaire nettoyer par un professionnel, c'est donc un arbitrage personnel entre ce qui vous semble acceptable ou non.

Que qualifieriez-vous de rédhibitoire ?

A. V : Selon moi, ce sont les pièces qui sont en mauvais état. Tachées, trouées, mitées : tout cela, il faut éviter. Le premier point, c'est de penser de façon éthique et écologique. Qui dit mauvais état dit que vous allez vous en lasser très vite, ça va vous inquiéter, ça va s'abîmer rapidement et finalement, ce n'est pas sûr que vous puissiez le revendre.

Ensuite, faire attention au style. Si on ressent avant de l'acheter que la pièce va être difficile à porter au quotidien, il faut peut-être renoncer. Certes, on a parfois des folies vestimentaires, mais on revient toujours à l'identité propre à chacun et on regrette l'achat. Il ne faut pas faire les mêmes erreurs qu'avec la fast-fashion : en achetant sans réfléchir et de façon inconsciente. Il faut avoir du respect pour la pièce que vous acquérez, ne pas être dans une surconsommation de vintage.

Après, ce n'est pas grave s'il y a un souci à l'ourlet, à la taille... car l'idée du vintage est de faire durer, d'upcycler, de faire retailler : cela permet aussi d'alimenter tout un écosystème de professionnels. Le vintage, c'est retrouver le temps à travers le vêtement, c'est une relation qui se crée. Et finalement, c'est très rassurant de se dire que les pièces vont nous suivre.

Quelle est la différence entre la seconde main et le vintage ?

A. V : Le vintage est de la seconde main, par définition. Mais la différence entre les deux expressions se niche dans la temporalité.

Le marché de la seconde main est trusté par la fast-fashion. Sur Vinted, les lots les plus vendus sont de l'occasion qui datent de quelques jours à quelques mois. Le vintage, c'est minimum 10 à 15 ans d'écart par rapport à l'achat, certaines pièces vendues remontant jusqu'aux années 50. Le vêtement vintage doit être ancien, sinon, ce n'est pas du vintage. L'essentiel, c'est qu'il appartienne à une autre époque. Vous achetez, à travers le vintage, une temporalité du passé.

Comment sait-on qu'on a trouvé une perle rare ?

A. V : Les indices sont très subjectifs. On possède chacun un lien différent avec la mode, par notre histoire culturelle ou notre histoire personnelle. Je dirais que ça démarre surtout avec une vibration, un coup de coeur. C'est ce qu'il y a de plus important dans le vintage. Puis, il y a l'analyse, si l'état et la valeur correspondent à vos attentes et à vos critères.

Si vous estimez que la pièce pour laquelle vous avez eu un coup de coeur se retrouve un peu partout, comme une blouse blanche ou un jean par exemple, analysez. Prenez du recul. Demandez-vous si elle est rare, et si oui, faites le tri. Faites vos recherches. Il y a une différence entre le coup de coeur pour la pièce ou le style. Aujourd'hui, il y a énormément d'offres, c'est l'avantage, donc il faut en profiter - et s'y mettre.

Les 1001 vies du vintage, d'Aurélie Vassy (ed. Kiwi). 204 p. 20 euros

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