Ces dernières années, la fast-fashion et les réseaux sociaux n'ont fait que pousser à une consommation excessive de prêt-à-porter. Il y a même un hashtag (#OOTD, pour "outfit of the day", ou "tenue du jour", en français), qui encourage implicitement à posséder une collection bien fournie d'ensembles qu'on ne reportera pas le lendemain, ni pendant plusieurs semaines. C'est en tout cas ce que semblent dicter de nombreuses influenceuses qui, elles, s'affichent rarement vêtue de ladite tenue deux fois de suite. Alors on copie. Enfin plutôt, on essaie de copier un mode de vie au-dessus de nos moyens, par envie de faire comme celles qu'on suit. On achète, toujours plus, auprès des deuxièmes plus gros pollueurs au monde : l'industrie du textile - cheap, de surcroît.
Problématique ? Et comment.
Déjà parce que le sentiment de frustration qui en découle peut s'avérer grinçant, mais surtout car ce perpétuel besoin d'acquérir (vite et pas cher) se révèle extrêmement dangereux pour l'environnement, aussi bien écologiquement que socialement.
Ce n'est plus à prouver, la production aussi conséquente de vêtements à bas prix affecte la planète comme ses habitant·e·s. Les quantités commandées par les marques requièrent, par exemple, une consommation d'eau gigantesque (on compte 2500 litres d'eau pour un seul t-shirt en coton, 8000 pour un jean, rapporte Geo) et la mode représente 10 % des émissions carbones du globe. Des modèles, confectionnés dans des conditions humaines terribles, qui finissent pour la plupart à la poubelle quelques mois seulement après, grossissant notamment les rangs des déchets qui empoisonnent les océans.
En 2014, si la population a acheté 60 % de vêtements en plus qu'en 2000, elle ne les aura conservés que deux fois moins longtemps, souligne Business Insider. De quoi filer le vertige.
"Un vêtement peut être mis une fois, peut-être deux fois, puis jeté (l'Américain moyen jette chaque année 30 kilos de déchets textiles dans les décharges)", précise Verena Erin, influenceuse éthique, dans une vidéo de sensibilisation dédiée. "Lorsque les gens paient très peu pour un article, ils ne sont pas aussi enclins à en prendre soin, à le réparer ou à se sentir mal de le jeter". Et même si c'est le cas, la qualité du produit les en empêche.
Pour alerter sur le fléau et tenter de prévenir ces dégâts considérables, la jeune femme encourage simplement à... porter (souvent) les mêmes vêtements. Et à en être fière. Pas vraiment révolutionnaire comme concept, on en convient volontiers, mais c'est justement ce qui en fait sa pertinence : arrêter de vouloir à tout prix se renouveler en optant pour la simplicité. Et en s'éloignant d'un certain idéal digital qui n'a, finalement, pas grand-chose de positif, pour se rapprocher des nouvelles muses vintage, qui manient la "capsule wardrobe" avec talent et créativité.
Trois jeans, dix hauts, six pulls, cinq paires de chaussures, quatre robes, trois vestes, deux manteaux, quatre jupes : trente-sept, c'est le nombre de pièces que comporte le vestiaire parfait, selon Caroline Joy, adepte de la fameuse "capsule wardrobe". Le principe : trier, donner, recycler. Ne garder que l'essentiel et en fin de compte, gagner de la place et du temps. Être plus sûre de son style, aussi. Et forcément, participer à réduire les coûts - environnementaux comme financiers et personnels. La tendance fait des émules : plus de 515 000 posts sous l'expression sur Instagram, 28 millions d'occurrences sur Google.
Plus loin sur les réseaux sociaux, on repère d'autres noms qui combattent corps et âmes la fast-fashion. Les marques de vintage comme Imparfaite Paris, Petite Chineuse, Vagabones, les créatrices de slow-fashion comme Marie Dewet du duo mère-fille Maison Cléo (qui est notamment à l'origine du mouvement #FFF, pour "fuck fast-fashion"). La motivation est similaire : rendre sa valeur au vêtement, chérir des produits uniques. Les hashtags #preloved et #preowned montrent également l'intérêt grandissant pour ce mode de vie à mille lieues de la frénésie vestimentaire qui règne encore trop puissamment.
D'ailleurs, quand on observe leurs comptes Instagram, à ces filles en vogue, leur style pointu est aussi répétitif, dans le bon sens du terme. Comme un uniforme qu'elles agrémentent de pièces fortes chinées avec passion ou retrouvées au fond d'un tiroir d'une aïeule, ces icônes mode modernes arborent des tenues signature qui rendent (enfin) la mode abordable, puisque réaliste : elles aussi, remettent inlassablement le même jean, les mêmes bottines, attrapent le même sac.
L'abondance et le neuf ne sont plus gages de qualité, au contraire, c'est la capacité à créer une allure forte autour d'une collection réduite, ou en tout cas composée uniquement de seconde main et de marques (réellement) respectueuses de l'environnement, qui prime.
Moins de prise de tête, plus de liberté et un comportement davantage éco-responsable.
Nous, on s'en inspire quand on s'entend dire - encore - qu'on n'a "plus rien à se mettre". Ou que notre budget ne nous permet pas d'être exigeante sur la provenance (dans ce cas, la solution vient des fripes). On redore le blason mode du minimalisme, loin de rimer avec ennui et monotonie.
"Le simple fait d'aimer les vêtements que vous avez est une rébellion contre notre monde de la fast-fashion", lance Verena Erin. Alors on enfile, comme elle, "les mêmes pièces encore et encore", parce qu'elles nous vont, qu'elles sont confortables, qu'elles nous plaisent. Et parce que l'enjeu, aujourd'hui plus que jamais, est trop grand pour faire autrement.