"Le sexisme ne recule pas. Il perdure et ses manifestations les plus violentes s'aggravent". Voilà ce que révèle le nouveau rapport annuel du Haut Conseil à l'Égalité, rendu ce 23 janvier, texte qui a pris en compte l'expérience de 2 500 personnes sondées. Cinq ans après les prémices de la révolution #MeToo, les chiffres sont toujours accablants du côté des violences sexistes, toujours plus banalisées.
Ainsi, 80% des femmes ont la sensation d'avoir déjà été victimes de sexisme, 57 % des femmes détaillent avoir déjà subi des blagues ou remarques sexistes, 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d'un homme. 37% des femmes interrogées assurent avoir déjà vécu une situation de non-consentement et 22 % avoir déjà vécu une situation d'emprise psychologique ou de jalousie excessive imposée par leur conjoint.
Le sexisme a des conséquences concrètes. Ainsi, 8 femmes sur 10 ont encore peur de rentrer seules chez elles le soir. 52 % s'empêchent de s'habiller comme elles le souhaitent. Il est également omniprésent : seule 20 % de la population estime que les femmes et les hommes sont égaux au sein du monde professionnel et 37 % des femmes affirment d'ailleurs avoir déjà vécu des discriminations sexistes dans leurs choix d'orientation pro.
"L'opinion reconnaît et déplore l'existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes", fustige le rapport. Et les données à ce sujet ont de quoi alerter...
La prise de conscience s'avère "compliquée" pour les hommes, qui, pour beaucoup, semblent ouvertement rejeter les enjeux soulevés par #MeToo et se vautrer dans le "victim blaming" (faire peser la responsabilité d'un crime sur sa victime et blâmer celle-ci). 16 % des hommes pensent ainsi qu'une femme agressée sexuellement "peut en partie être responsable de sa situation". De plus, 4 hommes sur 10 considèrent qu'"on s'acharne sur les hommes" et 6 hommes sur 10 "que les porte-paroles féministes en font trop". En outre, 23 % des hommes sondés considèrent "qu'on en fait trop sur les agressions sexuelles". Plus encore, 33 % des hommes pensent que le féminisme menace la place et le rôle des hommes dans la société.
Le rapport évoque également la popularité malheureuse de "clichés masculinistes", notamment chez les jeunes hommes. Des réflexes qui feraient perdurer et banaliseraient des préjugés virilistes, basés sur une vision très stéréotypée du genre. Ainsi seulement 37 % des hommes estiment problématique qu'une femme cuisine tous les jours pour sa famille, 23 % des moins de 35 ans considèrent qu'il faut "parfois être violent pour se faire respecter", 20 % des 25-34 ans considèrent que pour être respecté en tant qu'homme dans la société, "il faut vanter ses exploits sexuels auprès de ses amis".
"Les situations sexistes du quotidien, banales, insidieuses, voire bienveillantes, sont partiellement acceptées par l'ensemble de la population", déplore le rapport. "Cinq ans après #MeToo, une partie de la nouvelle génération des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l'agressivité, et peut trouver une voix d'expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins".
La philosophe et autrice Camille Froidevaux-Metterie a réagi à ce rapport sur Twitter : "Aggravation des violences sexistes, permanence des stéréotypes masculinistes chez les hommes (et notamment les - de 35 ans) et phénomène de backlash, c'est glaçant..."
Mais que faire alors face à ces chiffres effarants ? Le Haut Conseil à l'Égalité y répond avec quelques recommandations. Par exemple ? Lutter contre les stéréotypes sexistes, notamment en garantissant dès le collège une orientation non-stéréotypée, éliminer les séquences dégradantes pour les femmes de l'univers médiatique, renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire, passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats pour les politiques d'égalité... Des mesures qui exigent une plus ample ambition de la part des pouvoirs publics.
"Le sexisme demande une réponse globale et radicale", note la rapporteuse du rapport Mahaut Chaudouët-Delmas sur Twitter .