Lucy Maino, 25 ans, a été élue Miss Papouasie-Nouvelle Guinée 2019, un titre qui implique de jouer le rôle d'ambassadrice culturelle du pays tout en défendant les droits des femmes. La même année, elle a remporté deux médailles d'or aux Jeux du Pacifique en tant que co-capitaine de l'équipe féminine de football. En 2020, au vu de la situation sanitaire, son sacre a été prolongé, détaille le média polynésien Radio 1. Un parcours qui aurait pu se dérouler sans encombre.
Mais c'était sans compter sur la décision du comité du concours de beauté de la "libérer" de ses fonctions, juste après la publication, par ses soins à elle, d'une vidéo sur les réseaux sociaux.
En cause : sur ces images aujourd'hui supprimée, la miss danse. Ou plus précisément, elle twerke. Une séquence postée sur le compte privé de la jeune femme qui a d'abord suscité un vent de haine à son encontre. Ses milliers de détracteurs arguaient qu'il n'était pas approprié pour une "rôle-modèle" de s'afficher ainsi, certain·e·s l'insultant carrément. Des propos abjectes et sexistes que l'organisation ne semble pas avoir condamnés.
"Notre objectif principal est l'empowerment des femmes. Nous sommes une plateforme unique de concours de style qui promeut l'héritage culturel, les valeurs traditionnelles et le partage par le tourisme de notre pays et de notre peuple", s'est contenté de déclarer le comité dans un communiqué suivant sa destitution, assurant promouvoir "les vertus de la confiance, de l'estime de soi, de l'intégrité et du service communautaire, tout en mettant l'accent sur l'éducation." A croire que ce n'est pas compatible avec trois minutes de twerk, ni la dénonciation ferme du harcèlement subi par l'intéressée.
Selon une ancienne miss locale qui s'est confiée anonymement au journal britannique The Guardian, le bilan est sans appel : l'affaire illustre ni plus ni moins la misogynie profondément ancrée dans la société papouasienne. Elle souligne d'ailleurs qu'un tel traitement n'aurait jamais été réservé à un homme. "Je suis sûre que si une personnalité publique masculine faisait une [vidéo] TikTok, nous serions tous en train de rire ou même de le féliciter", fustige-t-elle.
Une défenseuse des droits des femmes, ne voulant pas divulguer son identité non plus par peur de représailles en ligne, analyse quant à elle auprès du quotidien : "J'ai l'impression qu'ils l'ont jetée sous le bus et qu'ils ne lui ont pas donné l'occasion de se manifester et de parler. Ce n'est pas la bonne façon de procéder".
Cette indignation, le bureau des Nations unies installé sur place la partage également, épinglant sans détour : "Nous voyons la dévastation de la violence contre les femmes et les enfants dans ce beau pays. Certains par l'intimidation ont perdu la vie... Cela commence par dire aux femmes qu'elles doivent se couvrir. Cela commence par le fait de dire aux femmes qu'elles ne devraient pas danser comme ça."
De son côté, après un message qui encourageait à "embrasser son moi le plus brut et le plus intransigeant" peu après le scandale, Lucy Maino a finalement assuré sur Instagram, vendredi 9 avril, que la fin de son règne relevait d'un accord à l'amiable, et non d'une décision forcée.
Elle a ensuite abordé les violences sexistes dont elle a été victime. Et tiré une conclusion à échelle sociétale. "Mes récentes adversités nous rappellent tristement le chemin qu'il nous reste à parcourir en tant que pays. Alors que j'ai subi des agressions publics et du cyberharcèlement, des milliers de femmes dans le pays et dans le monde sont soumises à des agressions physiques et psychologiques quotidiennes. Très souvent, elles se taisent, dans la crainte constante d'en subir d'autres et de subir un retour de bâton."
Et de formuler, comme un serment : "Ces femmes, et parfois ces hommes, ne sont malheureusement pas aussi privilégié·e·s que moi. J'ai décidé d'utiliser la plateforme dont je dispose pour être la voix de celles et ceux qui ont besoin que nous prenions tous position en leur nom." A suivre, donc.