"Keep calm, mais moi d'abord" : cette semaine, le titre du magazine national Stern aborde un phénomène tout à fait récent. La façon dont, au sein de la société allemande, les plus jeunes générations commencent à jalouser les ancien·ne·s, et plus généralement, les non-vacciné·e·s les personnes qui y sont éligibles et déjà passées sous l'aiguille.
Un réflexe qui possède même un nom : Impfneid, littéralement "envie vaccinale", défini par le média comme le "ressentiment dû au fait que d'autres personnes aient été (apparemment) vaccinées contre le Sars-CoV-2 avant vous".
Ce "sentiment laid", épingle l'article repéré par Courrier International, mais "profondément humain", ne serait toutefois pas sans avantages. Ceux, précisément, d'encourager la population à avoir recours aux injections. Et donc, d'en finir au plus vite avec la pandémie et les restrictions sanitaires. C'est en tout cas ce qu'affirme Katja Corcoran, professeure et directrice du département de psychologie sociale de l'université autrichienne de Graz, dont les travaux portent sur "l'envie" et les "comparaisons sociales".
L'experte analyse que, si plusieurs formes de jalousie existent bel et bien chez les hommes et les femmes, celle qui cible les vacciné·e·s est singulière par la "perte de contrôle" sur notre vie qui la nourrit. "Nous n'avons aucun moyen de décider du moment de notre vaccination et nous nous sentons donc impuissants", argumente le journaliste.
"Comme pour toute distribution d'une ressource rare, la vaccination est actuellement aussi une question d'équité", ajoute Dre Katja Corcoran. "Qui est le premier, qui doit attendre et pourquoi. Il existe de nombreux principes différents et vous ne pourrez jamais rendre justice à tous." Une impuissance réelle qui peut d'ailleurs "conduire à la forme malveillante" de ce sentiment, souligne-t-elle par ailleurs.
Elle se souvient cependant : "Quand j'ai entendu parler de Impfneid pour la première fois, j'ai pensé : Oh, c'est bien. Après tout, cela signifie que les gens veulent se faire vacciner. Parce qu'on n'est pas jaloux de quelque chose que l'on ne veut pas." Une jalousie qui, à la lire, a des chances d'être contagieuse : "Cela peut motiver. Et servir de boussole", affirme la spécialiste.
Dans un pays où le taux de personnes favorables au vaccin, qu'elle estime le "moyen de sortir de la pandémie", frôle les 65 % selon un sondage Euronews diffusé en mars dernier, le diagnostic est donc positif tant il pourrait pousser les 35 % restant à franchir le pas dès que possible. Et ce n'est pas la seule mentalité que la "jalousie vaccinale" a des chances de faire vriller.
"Récemment, j'ai entendu quelqu'un dire que c'était un privilège d'être vieux, car on se fait vacciner plus rapidement", note Dre Corcoran. Une ironie qu'elle ne manque pas de soulever. "J'ai trouvé cela fascinant, car, d'habitude, notre société est rarement envieuse des personnes âgées." Et de conclure, pleine d'espoir : "Je craignais que de nombreuses personnes refusent la vaccination. Mais leur jalousie envers ceux qui ont été vaccinés signifie, je l'espère, qu'eux aussi se feront vacciner." A bon entendeur...