La scène prend place dans un fast-food très fréquenté. Nikita, mère d'une petite fille, demande aux responsables si elle peut allaiter, elles répondent spontanément par l'affirmative. Elle s'installe et soulève son t-shirt pour que son enfant tête.
Quelques secondes plus tard, un homme qui vient de commander s'indigne du comportement de la jeune maman. Il trouve ça honteux, gênant, va jusqu'à hausser le ton dans la salle, sous les yeux interloqués des autres clients. Il finit par se faire rembourser son café, alors que le personnel et quelques voisins de table lui assènent d'arrêter son scandale, car il n'y a rien de plus naturel que d'allaiter son enfant, qui ne commande pas sa faim.
Cette situation est issue d'une vidéo de caméra cachée réalisée par Would You React, chaîne Youtube belge de plus de 780 000 abonnées, qui se spécialise dans les expériences sociales. Nikita et l'homme indigné sont en réalité deux acteurs qui participent à l'une d'entre elles. Le but : confronter les gens à un tabou sociétal pour tenter de répondre à des questions et de faire bouger les mentalités.
"C'est un sujet d'actualité et sensible", nous confie Jonathan le réalisateur derrière le projet. "[Avec cette vidéo], on pense qu'on peut faire évoluer, faire comprendre sans rien imposer. On n'a jamais pour ambition de changer de monde, mais au moins de faire réfléchir. L'objectif que l'on sait que l'on peut atteindre, c'est rassembler le gens autour du fait que c'est naturel et que c'est un joli lien entre la maman et son enfant... Il y a beaucoup de gens qui n'avaient pas réfléchi à ça et je suis certain que sur ce point on va aider les mamans et on en est ravis."
Car si l'allaitement choque, c'est parce que beaucoup considèrent le buste des femmes comme sexuel, et refuse donc de les voir se dévêtir en public, malgré le contexte évident de maternité. "Je peux aussi comprendre les gens qui associent le sein à une connotation sexuelle, il n'y a qu'à sortir dans la rue et voir les pubs", ajoute Jonathan. Et il a raison.
C'est justement parce que depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la société a sexualisé le corps des femmes à outrance, et plus particulièrement leur poitrine avec de nombreuses images de pin-ups plantureuses et autres pubs évocatrices, que beaucoup projettent cette image sur l'allaitement - et oublient le caractère fonctionnel des seins.
"Il y a deux types de réfractaires, je pense : ceux qui sont prêts à évoluer et ceux qui veulent maintenir leur point de vue et ce serait dommage de mettre tout le monde dans le même sac", poursuit-il. Pour le réalisateur, il est nécessaire de faire un pas vers les autres. "En les prévenant, les gens autour sentent qu'on ne leur impose rien et du coup n'y trouvent aucune gêne. Et cela peut, je pense, même mener à davantage de compréhension et ouvrir un dialogue sur le sujet."
S'il comprend les mamans qui ne veulent pas se cacher, ni demander, parce que l'allaitement est naturel, il explique également évoquer le cas de celles qui préfèrent le faire discrètement car il s'agit d'un choix personnel : "Je veux laisser aussi une toute petite place aux gens (et à certaines mamans aussi) qui par pudeur ou par respect pour les gens autour souhaitent le faire discrètement, je pense aussi qu'il faut inclure cette possibilité."
En plus du soutien des client·es présent·es dans le restaurant, la vidéo a reçu beaucoup de messages positifs, de personnes qui allaitent ou non, en public ou non. Sur le sujet, Jonathan conclut : "La meilleure solution est toujours le dialogue et la compréhension. Les gens ne sont pas contre le fait d'évoluer sur un sujet mais je pense qu'il faut les accompagner et ne surtout pas leur dire 'c'est comme ça et pas autrement'. C'est le pire moyen pour que quelqu'un change, même si on est persuadé de détenir la vérité et qu'on est persuadé que l'autre à tort."
Aujourd'hui, la vidéo compte déjà plus de 360 000 vues et 3000 commentaires.