Le peuple états-unien va-t-il élire sa première Présidente en novembre prochain ?
Au vu des retournements de situation inhérents aux élections présidentielles, surtout si l'on accorde trop d'importance factuelle aux sondages, tout semble possible. D'autant plus lorsque certains observateurs perçoivent les attaques exacerbées de Donald Trump à l'encontre de sa rivale, la vice-présidente démocrate Kamala Harris, comme une stratégie politique qui pourrait le desservir au final.
Parmi ces attaques justement, censées mettre à mal la crédibilité de la binôme de Joe Biden, on a tilté sur l'une des plus ridicules : les moqueries de l'ancien Président, et des détracteurs de Kamala Harris en général, envers... Le rire de cette dernière.
Oui, avant d'être jugée sur son programme politique, son expérience, son "background" à la Maison Blanche, Kamala Harris est jugée... Sur sa manière de s'esclaffer. Ce n'est pas une blague...
Quand Kamala Harris est critiquée voir insultée sur le seul fait de son sourire et de son rire, nous, on hésite carrément à en pleurer.
"Je l’appelle ‘Kamala la rieuse’... L’avez-vous déjà vue rire ? Elle est folle. On peut en dire beaucoup par un rire… Elle est folle !", n'hésite pas à déclarer Donald Trump lors de ses meeting, auprès de supporters enthousiastes s'esclaffant à l'unisson. Des provocations et attaques ad nominem qui n'étonnent guère de la part du Républicain, bien connu pour ce genre de ressorts rhétoriques...
Ce qui lui a valu une longue analyse, de la part de l'exigent média The Atlantic : "Pris de court par la vitesse déconcertante avec laquelle Harris est devenue la candidate démocrate à la présidence de 2024, Trump a eu du mal à trouver des arguments pour l’attaquer. Avant de trouver une cible spécifique : son rire de Harris... Harris rit en effet ; sur TikTok, des vidéos d’elle ricanant joyeusement lors de tables rondes et d’interviews ont fait le tour du monde, la plupart des commentateurs trouvant cela 'touchant' et 'honnête'...", nous explique le journal.
C'est la journaliste féministe Fiona Schmidt, chroniqueuse, autrice de livres (Vieille Peau, aux éditions Belfond) et d'un compte Instagram abondamment suivi, qui a dédié à cette improbable polémique son dernier billet d'humeur bien senti.
"Dénigrer Kamala Harris parce qu'elle a un rire 'crispant' est absurde, et misogyne. Voilà l'argument utilisé par le camp Trump pour discréditer son adversaire... Utiliser des caractéristiques personnelles d'une femme pour mettre en cause ses compétences est le B.A.BA de la misogynie", détaille à raison Fiona Schmidt. "Il s'agit de la faire paraître puérile, ridicule et hystérique - Trump la traite d'ailleurs ouvertement de folle"
Pour The Atlantic, aucune ambiguïté à travers ce choix, qui renvoie à un imaginaire sexiste beaucoup plus large que le simple électorat américain : "Il y a l’idée que le rire de Harris pourrait trahir autre chose à son sujet. Car les femmes qui rient en public ont toujours été associées à un manque de pudeur sociale, à l’hystérie, voire à la folie"
"En insistant sur le fait que le rire de la vice présidente est en quelque sorte un signe de dépravation psychologique, les conservateurs font de leur mieux pour associer Harris dans le subconscient des gens à une réaction spécifique : le dégoût"
Concrètement, le rire étant quelque chose de très physique, de viscéral, qui peut s'apparenter à une grimace, tout un champ politique s'en sert volontiers afin de susciter la répulsion auprès de leur audience. En 2016 déjà, on se rappelle que les réactions et attitudes physiques de la candidate Hillary Clinton étaient régulièrement épinglées.
Le tout bien évidemment enrichi de clichés sexistes à souhait, jamais vraiment loin de la chasse aux sorcières. Du haut de Kamala Harris, des siècles de sexisme s'énoncent...
Et la journaliste féministe Fiona Schmidt d'apporter une salvatrice conclusion : "Critiquez-la pour ce qu’elle fait, pas pour ce qu’elle est. Lâchez-lui l’utérus. Et les zygomatiques"