Uma Thurman le confesse : c'est son "secret le plus sombre". Et elle a tenu à le révéler pour protester contre la loi anti-IVG ultra-radicale qui frappe le Texas. "Je n'ai rien à gagner de ces aveux et peut-être beaucoup à perdre".
Cette loi signée en mai par le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, et entrée en vigueur le 1er septembre dernier, est l'une des loi anti-IVG les plus restrictives du pays. Le texte interdit tout avortement une fois les battements de coeur de l'embryon détectés, période qui se situerait aux alentours de six semaines, alors même que de nombreuses femmes ignorent encore qu'elles sont enceintes à ce stade-là. Or, selon les données du Planning familial américain, plus de 85% des femmes avorteraient après ces fameuses six semaines.
Aucune exception en cas de viol ou d'inceste n'est prévue dans cette loi. Et ce "Texas Heartbeat Act" prévoit une prime de 10 000 dollars à celles et ceux qui dénonceraient les contrevenants.
Dans une tribune publiée sur le Washington Post ce 21 septembre, l'actrice de Kill Bill explique qu'elle a avorté alors qu'elle était ado. Si elle en parle pour la première fois publiquement, c'est "dans l'espoir de détourner les flammes de la controverse des femmes vulnérables affectées par la loi."
Uma Thurman raconte : "J'ai commencé ma carrière d'actrice à 15 ans, je travaillais dans un environnement où j'étais souvent la seule enfant dans la pièce. À la fin de mon adolescence, je suis accidentellement tombée enceinte d'un homme bien plus âgé que moi. Je vivais en Europe, avec une simple valise, loin de ma famille, et sur le point de commencer un nouveau travail. Je ne savais pas quoi faire. Je voulais garder le bébé, mais comment ?"
Le coeur brisé après avoir appelé ses parents, elle prend sa décision. "Je ne pouvais pas vivre la grossesse et convenu que l'interruption de grossesse était le bon choix."
Son avortement, qui a eu lieu chez un médecin à Cologne, en Allemagne, a été "terriblement douloureux", mais elle ne "s'est pas plainte. J'avais internalisé tellement de honte que je pensais mériter la douleur".
Uma Thurman se souvient de ce moment : "Mes doigts étaient fermement verrouillés sur ma poitrine, et lorsque l'intervention a été effectuée, le médecin m'a regardée et m'a dit : 'Vous avez de belles mains, vous me rappelez ma fille', se souvient-elle. "Ce seul geste d'humanité est gravé dans mon esprit comme l'un des moments les plus compatissants que j'aie jamais vécus. À ses yeux, j'étais une personne, j'étais une fille, j'étais toujours une fille."
Qualifiant son choix de "décision la plus difficile" de sa vie, Uma Thurman explique que cet avortement "était le chemin vers la vie pleine de joie et d'amour que j'ai connue". "Choisir de ne pas garder cette grossesse précoce m'a permis de grandir et de devenir la mère que je voulais et que je devais être."
Aujourd'hui mère de trois enfants, l'actrice de 51 ans confie : "J'ai conçu mes magnifiques et magiques enfants avec des hommes que j'ai aimés et crus suffisamment pour oser amener un enfant dans ce monde", ajoutant : "Je n'ai pas de regret sur le parcours que j'ai traversé. J'applaudis et soutiens les femmes qui font un choix différent."
Pointant du doigt la loi anti-IVG texane, la star de Pulp Fiction dénonce "un point de départ d'une crise des droits humains pour les femmes américaines", "un autre outil discriminatoire contre ceux qui sont économiquement défavorisés, et souvent contre leurs partenaires. Les femmes et les enfants de familles aisées ont toujours toutes les possibilités du monde, et courent peu de risques."
"Je pense qu'il est de ma responsabilité de me mettre à leur place", explique-t-elle, espérant que son histoire suscitera l'espoir et "qu'un peu de lumière brillera, atteignant les femmes et les filles qui pourraient avoir honte de ne pas pouvoir se protéger."
Uma Thurman conclut par un message adressé aux femmes et aux filles concernées par cette loi : "À vous toutes - aux femmes et aux filles du Texas, qui ont peur d'être traumatisées et traquées par des chasseurs de primes prédateurs; à toutes les femmes indignées de voir les droits sur nos corps confisqués par l'État; et à vous toutes, rendues vulnérables parce que vous avez un utérus : je vous vois. Ayez du courage. Vous êtes belles. Vous me rappelez mes filles."
Alors que la Cour suprême n'était pas intervenue pour stopper l'entrée en vigueur de la loi anti-avortement texane- suscitant une onde d'indignation à travers tout le pays- l'administration Biden a répliqué et porté plainte contre l'Etat conservateur le 9 septembre. Le président Joe Biden avait dénoncé "une attaque sans précédent pour les droits constitutionnels des femmes", promettant "une réponse immédiate" de son gouvernement. C'est donc aujourd'hui chose faite.