Au Texas vient de passer une loi interdisant l'avortement dès six semaines de grossesse, même en cas de viol ou d'inceste. Ce 2 septembre 2021, la Cour suprême des Etats-Unis a refusé de suspendre la loi en question, entrée en vigueur 24 heures plus tôt. Une mesure particulièrement répressive, et une nouvelle dramatique concernant le respect des droits fondamentaux des femmes outre-Atlantique.
Cette législation porte le nom de "heartbeat" : elle consiste à interdire l'avortement dès qu'une échographie peut détecter un "battement du coeur" du foetus. Un terme privilégié par les législateurs du Texas, mais qui en vérité est trompeur à ce stade du développement de l'embryon, rappellent à raison les médecins. Beaucoup attendaient de la Cour suprême américaine qu'elle s'oppose à cette loi, la plus restrictive qui soit : ce ne fut pas le cas.
Pas si étonnant quand on connaît l'orientation politique de l'actuelle Cour suprême : suite au décès de la juge démocrate et féministe Ruth Bader Ginsburg en septembre 2020, c'est la (très) conservatrice Amy Coney Barrett, proche de la droite religieuse, qui a été nommée par Donald Trump à l'époque.
Cette décision de la plus haute juridiction américaine, composée de neuf magistrats, a été prise à une courte majorité des cinq juges conservateurs. "Le chef de la Cour suprême, John Robert, un conservateur modéré, tout comme les trois magistrats progressistes, a fait savoir qu'il aurait bloqué cette loi 'sans précédent', en attendant un examen de fond", précise FranceInfo. La Cour a invoqué "des questions de procédures complexes et nouvelles."
Selon la Planned Parenthood Federation, autrement dit le Planning Familial américain, la situation est "chaotique". Elle apparaît comme l'aboutissement d'années de mesures anti-IVG virulentes dans certains Etats de la nation, exacerbées depuis les prémices de la présidence Trump.
Plus encore, cette mesure cruciale autorise, si ce n'est encourage, les citoyens texans à "dénoncer" les médecins et patientes pratiquant l'avortement. A l'arrivée ? La possibilité pour celles et ceux qui s'y engagent à bénéficier d'une prime estimée à 10 000 dollars. Comme le rappelle la RTBF, le Texas est le treizième Etat à faire passer cette loi interdisant l'avortement dès six semaines de grossesse. Mais le passage à la Cour suprême a longtemps laissé sur le carreau certaines mesures, accusées de violer la jurisprudence de la Cour.
La situation ultra-conservatrice inhérente au Texas ne fait qu'intensifier une inquiétude globale, émanant notamment des associations de défense des droits des femmes. Un aboutissement malheureusement logique. Il y a deux ans, le Texas étudiait une loi qui rendrait l'avortement passible de la peine de mort. L'an dernier, à l'heure de la pandémie de coronavirus, le gouverneur du Texas Greg Abott profitait de l'urgence générale pour qualifier les avortements "d'interventions qui ne sont pas immédiatement nécessaires sur un plan médical".
La mesure du Texas fait écho à celle d'autres Etats. En mars dernier, l'Arkansas adoptait une loi interdisant totalement l'avortement (même en cas de viol). Les prémices d'une longue ère de régressions ? La députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez en appelle désormais à l'action politique alors que "le corps, les droits et la vie de millions de personnes sont sacrifiés pour le règne d'une minorité d'extrême droite".
Hillary Clinton elle aussi s'est exprimée le temps d'un puissant tweet : "En choisissant de ne rien faire, la Cour suprême a permis l'entrée en vigueur d'une interdiction inconstitutionnelle de l'avortement au Texas. Les droits reproductifs sont des droits humains. Nous nous battrons pour eux".