
Près de 2 Français sur 5 connaissent au moins une personne victime d'inceste.
Cela, c'est ce que souhaite rappeler aujourd'hui une actrice, cinéaste et femme engagée : Hélène Merlin. Dans son premier film en tant que réalisatrice, Cassandre, celle-ci relate justement sa propre histoire, et ses traumatismes. Elle se confronte à un enjeu fondamental, un véritable impensé : représenter avec justesse et vérité les violences incestueuses, qui concernant tant de famille.
Selon le rapport de Face à l'inceste x IPSOS, 7,4 millions de personnes déclarent avoir été victimes d'inceste. 65 % de femmes et 35 % d'hommes. La réalisatrice s'est livrée dans l'émission Beau Geste sur l'importance d'aborder ce sujet. Si ce n'est, l'urgence de le faire...

A Pierre Lescure, la cinéaste énonce, sans détour : "On connaît tous, de plus ou moins loin, quelqu'un qui a subi ça". Les chiffres partagés plus haut démontrent la factualité de cette phrase. Et c'est aussi ce que cherche à faire comprendre Cassandre, déjà loué par la critique depuis sa sortie en salles ce 2 avril, mais également par certaines plumes féministes, comme celle de Titiou Lecoq.
"L'enjeu dans ce film c'est de montrer une violence qui existe... mais sans la reproduire envers les acteurs sur le plateau de tournage. En respectant leur intimité donc. Mais il ne faut pas non plus reproduire cette violence envers les spectateurs avec des images déplacées, trop brutales"
D'autant plus sensé quand on devine que bien des spectateurs ont pu vivre ces violences.

Des paroles qui font écho à d'autres...
Comme celle d'Iris Brey, autrice féministe et critique cinéma qui a co dirigé avec Juliet Drouar le très important opus collectif La culture de l'inceste. Qui s'interroge justement sur la représentation de l'inceste dans les films, séries, romans... Spoiler : ce n'est pas toujours ça. Il est rare que la condition des victimes soit mise en images avec pertinence. Et on sombre trop souvent dans une esthétisation de ces violences.

A Terrafemina, Iris Brey relate d'ailleurs : "On le constate clairement lorsqu'il s'agit de représenter des incestes frères/soeurs comme des amours interdits par exemple, alors que l'inceste est majoritairement perpétré par des pères ou des figures paternelles sur des enfants. On manque de représentations de l'inceste comme forme de domination, et comme violence. C'est notamment pour cela qu'on a tant de mal à en parler !"
Et l'autrice de préciser : "De la même manière qu'on a pensé que le viol était un fait exceptionnel, quelque chose qui se déroule tard le soir, dans un parking, perpétué par des monstres, avant de démontrer le contraire, il faut rappeler que l'inceste n'est pas une exception. Il touche une personne sur dix. Et les hommes qui le font - car ce sont majoritairement des hommes - ne sont pas forcément des monstres, mais des individus qui pensent qu'ils peuvent "se servir".
Dans ce rapport de domination, l'inceste touche une grande majorité de personnes considérées comme des "minorités" : les femmes, les enfants, autrement dit toutes les personnes qui ne dominent pas.
La familia grande de Camille Kouchner ou les livres de Christine Angot nous dévoilent les conséquences de l'inceste, la dévastation qui s'ensuit. Et ça aussi, c'est très important. Mais privilégier une approche théorique afin de réfléchir d'une manière globale à l'inceste, à son pourquoi, importe également"