Le 9 mars dernier a été promulguée dans l'Etat d'Arkansas une loi particulièrement régressive pour les droits des femmes : elle interdirait l'avortement, sauf si la vie de la mère "est en danger" et que la situation nécessite une urgence médicale. En somme, le droit à l'avortement ne prendrait pas même en compte les cas de viols ou d'inceste.
Une mesure conservatrice des plus alarmantes donc. D'autant plus que l'Arkansas n'est pas une exception dans ce domaine. Cette actualité témoigne plus encore de l'indéniable avancée du mouvement anti-avortement (auto-proclamé "pro-vie") sous l'ère Donald Trump. En mars 2020 et en pleine pandémie mondiale, certains Etats américains profitaient ainsi du coronavirus pour suspendre les avortements, au Texas notamment.
Cependant, quelques nuances restent à apporter : le texte de loi en question n'entrera pas en vigueur avant l'été prochain. De plus, comme nous le rappelle le professeur d'histoire et chroniqueur politique Corentin Sellin, une loi identique d'interdiction de l'avortement passée en Alabama en novembre 2019 avait finalement été bloquée par une injonction de la justice fédérale américaine. Cette loi extrême n'est donc pas encore réalité.
"Ces lois d'interdiction totale de l'avortement sont inapplicables en l'état et leurs promoteurs le savent pertinemment", poursuit sur le même ton l'expert politique, évoquant une loi "outrancière". Avant de développer : "Il s'agit avant tout par cet activisme politique de faire pression sur la majorité conservatrice radicale de la Cour Suprême pour renverser la jurisprudence". Quelle jurisprudence ? Et bien, l'arrêt historique "Roe versus Wade", qui, rendu par la Cour Suprême en 1973, a érigé l'interruption volontaire de grossesse en droit constitutionnel.
"De plus, cette loi ne s'appliquera pas avant 90 jours après la clôture de la session parlementaire et sera bloquée avant son application par la justice fédérale car contraire à la jurisprudence", affirme encore le chroniqueur politique. Ajoutez à cela le fait que de nombreuses organisations luttant pour le respect des droits civiques, comme l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) ont déjà annoncé une future contestation en justice. De plus, des associations comme le Planned Parenthood Federation of America (l'équivalent américain du Planning Familial) et la Planned Parenthood Great Plains ont également l'intention de contester la loi fermement.
De quoi éviter le pire ? On peut le deviner. Cependant, les incarnations actuelles de la Justice américaine ne laissent guère de place au progressisme. Rappelons à ce titre le profil inquiétant de l'actuelle juge de la Cour suprême : la (très) conservatrice Amy Coney Barrett, proche de la droite religieuse. Nommée par Donald Trump, la Républicaine n'hésite jamais à proclamer publiquement ses convictions anti-avortement.