"Les hommes ne devraient pas décider de ce que les femmes font de leur corps". Ces mots sont ceux de Rolanda Hollis. Cette élue démocrate, membre de la Chambre des représentants, s'oppose sans détour aux lois anti-avortement qui concernent (notamment) l'Etat qu'elle représente : l'Alabama. Et pour faire entendre sa voix, la politicienne n'hésite pas à bousculer un certain confort de pensée national. Le projet de loi qu'elle est venue proposer ce 13 février à la Chambre en témoigne : obliger les hommes à subir une vasectomie à l'âge de cinquante ans, ou au moment de la naissance de leur troisième enfant biologique. Et l'opération de stérilisation serait même à leurs frais.
Pour comprendre cette proposition (la HB-238), il faut savoir lire entre les lignes. Car comme l'explique Rolanda Hollis, il s'agit avant tout d'épingler la législation ultra-restrictive anti-avortement qui sévit au sein de l'Etat, en renversant l'injonction : et si une femme, pour une fois, décidait du sort réservé au corps des hommes, et à leur intimité ? "En l'état, il n'y a pas de restrictions sur les droits reproductifs des hommes", constate la politicienne. Un tour qui, l'on s'en doute, est loin de réjouir la population américaine la plus réactionnaire.
Du côté de la Toile, on accuse déjà Rolanda Hollis de tous les maux (folie, "communisme"), comme le dévoile cette pique incongrue d'une internaute, peu avare en lettres capitales : "Que diable se passe-t-il ?! La démocrate de l'Alabama propose un projet de loi EXIGEANT AUX HOMMES DE PLUS DE 50 ANS ou plus de subir une vasectomie ... OU TOUT HOMME, DE TOUT ÂGE, après leur 3e enfant ! Bienvenue en Chine !".
Mais Rolanda Hollis a peu à faire de ces invectives en majuscules façon Trump. Du côté de AL.com, elle défend sa proposition. "Il faut toujours être deux pour danser le tango. Nous ne pouvons pas mettre toute la responsabilité du monde sur les femmes, les hommes doivent également être responsables", énonce-t-elle.
Rolanda Hollis défend notamment le droit à l'avortement pour les victimes de viol ou d'inceste, ce que ne prend pas en compte la législation locale. "Les femmes devraient avoir le choix de faire ce qu'elles veulent faire", déclare-t-elle encore à AL.com. Et l'élue démocrate ne se prive pas de fustiger une sorte d'hypocrisie d'Etat bien trop normalisée. "Beaucoup perçoivent cette proposition comme un franchissement scandaleux des limites, et pourtant, année après année, le parti majoritaire continue de présenter une nouvelle législation qui tente de dicter les droits des femmes en matière de procréation. C'est cela que nous devrions considérer comme scandaleux !", dénonce-t-elle encore dans les pages de ABC News.
L'élue à la Chambre des représentants de l'Alabama aime rappeler que l'avis de son médecin comptera toujours plus que celui du législateur de son Etat. Une jolie punchline, sous couvert d'un "buzz" médiatique réussi : inciter l'opinion publique américaine à reconsidérer l'avortement - et l'intégrité physique des femmes - en se réappropriant ces autres thématiques si tabous que sont la vasectomie et la stérilité masculine. Astucieux et légitime.
Rappelons à ce titre que l'an dernier, l'Alabama a adopté la loi anti-avortement la plus stricte de la nation, interdisant l'IVG quelque soit le contexte et punissant de 10 à 99 ans de prison tout médecin hors-la-loi. Une loi si problématique qu'elle a même été bloquée par la justice américaine en octobre dernier. Effectivement, cet Eden pour les partisans du "pro-vie" violerait l'historique arrêt Roe vs. Wade, un texte fondamental qui depuis quarante ans reconnaît l'IVG comme un "droit constitutionnel".
L'ultra-conservatisme qui se propage sous la présidence Trump n'a donc pas laissé Rolanda Hollis indifférente. A l'instar des militantes féministes, c'est un mot d'ordre qu'elle semble clamer avec sa proposition si polémique : "my body, my choice". Mon corps, mon choix.