"Je n'arrive pas à croire que j'écris ça en ce moment. C'est improbable". Cette perplexité vient du coeur. Ainsi s'exprime le docteur américain David N Hackney. Sur Twitter, cet obstétricien et gynécologue ne parvient pas à cacher son émotion à la découverte d'un nouveau projet de loi anti-avortement pensée par la légalisation de l'Ohio. Selon ce projet (le numéro 413), écrit David N Hackney, le médecin devra "[tenter de] réimplanter une grossesse extra-utérine dans l'utérus de la patiente" afin d'éviter les accusations d'acte criminel.
On ne peut guère trouver mesure plus improbable. Et surtout, impossible. Car cette curieuse exigence des législateurs "pro-vie" de l'Ohio n'est tout simplement pas imaginable. Et pourtant, elle se voit imposée aux professionnel·les de la santé, sous peine d'être accusé·es de "meurtre par avortement aggravé" (oui oui). Rien qu'à évoquer l'idée sur les réseaux sociaux, extrait de texte officiel à l'appui, David N Hackney, s'adressant à ces confrères en blouses blanches, est alarmiste : "Nous allons tous aller en prison".
Cette loi n'est pas juste extrême mais rend compte d'une procédure qui n'existe pas en science médicale. Comme l'explique The Guardian, la grossesse dite "extra-utérine" désigne un état où l'ovule fertilisé s'implante à l'extérieur de l'utérus. Ce mauvais développement provoque douleurs et saignements. Pire encore, c'est une situation qui met les femmes en danger de mort et nécessite une intervention médicale d'urgence.
"Il n'existe aucune procédure pour réimplanter une grossesse extra-utérine. Il n'est pas possible de déplacer une grossesse extra-utérine d'une trompe de Fallope ou de tout autre endroit où elle aurait pu être implantée, vers l'utérus. C'est physiologiquement impossible", explique en ce sens le Dr Chris Zahn au journal britannique, rappelant les risques "d'hémorragie catastrophique" voire de "décès" en cas de grossesse extra-utérine. L'heure est grave. D'ailleurs, pour son collègue, le Dr Daniel Grossman, "c'est de la pure science-fiction".
Depuis l'annonce de ce projet, mis en avant par 19 des membres de la Chambre des Représentants de l'Ohio mais aussi par le président du groupe anti-avortement Ohio Right to Life, obstétriciens et gynécologues se tuent d'ailleurs à le répéter... Las. Les législateurs font la sourde oreille.
S'il y a bien une chose que démontre ce projet de loi, allant jusqu'à menacer de mort quiconque ne s'y plierait pas, c'est la démesure de la croisade anti-avortement qui prend place dans certains Etats américains. On pense bien sûr à l'Alabama, où est passée en mai dernier la plus restrictive des lois anti-avortement - elle condamne à une très lourde peine de prison tout médecin pratiquant illégalement l'IVG, même "en cas de viol ou d'inceste".
Mais aussi à la fameuse loi adoptée par la Géorgie, celle du "battement de coeur", interdisant l'avortement seulement six semaines après les dernières menstruations. C'est-à-dire à une période où les femmes n'ont même pas conscience d'être enceintes. A croire que cette législation soi-disant "pro-vie" se décline d'aberration en aberration. Et l'autrice féministe Jessica Valenti d'y aller de sa conclusion bien sentie : "Les hommes qui décident de ce que les femmes peuvent faire de leur corps ne comprennent pas du tout le fonctionnement de ce corps". CQFD.