Dans les Etats du sud et du centre des Etats-Unis, les femmes mènent un combat acharné contre l'administration conservatrices pour pouvoir avorter. Depuis 1973, l'interruption volontaire de grossesse est un droit constitutionnel, mais que chaque Etat peut encadrer à sa guise, ce qui crée des disparités de taille d'un bout à l'autre du pays. En 2019, l'Alabama, le Mississippi et la Géorgie ont tenté de restreindre considérablement les conditions selon lesquelles une femme peut avoir recours à l'avortement, en votant la Heartbeat Bill. Un projet de loi temporairement bloqué par la cour fédérale, qui interdit tout IVG une fois que le coeur du foetus enregistre un battement - soit à environ 6 semaines, date à laquelle les femmes se rendent compte qu'elle sont enceinte, majoritairement - limitant ainsi son accès de façon drastique.
A l'ère du coronavirus, la situation ne va pas en s'améliorant. C'est même l'inverse. Greg Abott, gouverneur du Texas, a ordonné samedi 21 mars le report "des interventions qui ne sont pas immédiatement nécessaires sur un plan médical". Le but est, comme en France, de libérer des lits pour les patient.e.s atteint.e.s du Covid-19 et du matériel pour les personnels soignants.
Sauf que, contrairement à la France, qui a assuré que le droit à l'avortement ne serait pas fragilisé, l'Etat du Sud de l'Amérique a lui clairement statué que les interruptions volontaires de grossesse ne figuraient pas dans la liste des interventions urgentes, sauf en cas de danger pour la vie de la mère. "Ceux qui enfreignent l'ordre du gouverneur seront sanctionnés avec toute la force de la loi", a menacé le procureur général de l'Etat, Ken Paxton, précisant que les peines encourues iraient jusqu'à 180 jours de prison et 1000 euros d'amende.
Pour Kathy Miller, présidente de l'association locale de défense du droit à avorter, Texas Freedom Network, rien d'étonnant là-dedans. "Ce n'est pas surprenant de voir le procureur général utiliser n'importe quelle excuse pour appliquer son programme idéologique", déplore-t-elle. Dans un communiqué mentionné par 20 Minutes, elle rappelle que "la fenêtre légale pour avorter est déjà limitée" et que "reporter" les interventions revient à "nier le droit constitutionnel des femmes".
Même stratégie dans l'Ohio (Etat qui avait tenté de faire passer l'avortement comme "meurtre", et donc passible de la peine de mort), où le procureur général a ordonné à trois cliniques pratiquant l'avortement de se plier à la décision des autorités sanitaires de suspendre les opérations "non-urgentes". Se défendant de cibler l'IVG, sa porte-parole a ajouté qu'une lettre avait également été adressée à un groupe d'urologie. La réponse de deux des établissements concernés, gérés par Planned Parenthood, le planning familial américain, ne s'est pas fait attendre : "les avortements sont des procédures médicales essentielles et urgentes", avant de confirmer que leurs "portes resteront ouvertes pour ce soin".