Dans un monde en plein vertige, le retour en arrière apparaît trop souvent comme un refuge rassurant. Et malheureusement, ce sont les femmes qui payent le prix de cet élan de conservatisme désespéré et voient leurs acquis progressivement rognés. Parce qu'il permet à la femme de choisir, de ne plus permettre que son corps soit le simple instrument de la volonté des hommes et de la religion, le droit à l'IVG est particulièrement révélateur de l'état de la condition féminine.
Et au vu des attaques que ne cesse d'essuyer l'avortement, il y a de quoi s'inquiéter. Après la menace de sa suppression en Pologne, sa remise en question par Trump, fraîchement élu à la tête des Etats-Unis et pour qui c'est un "crime" qui "devrait être puni" ou encore le débat sur le délit d'entrave à l'IVG en France, les bigots ont à nouveau frappé : au Texas, une loi rend désormais obligatoire l'organisation des funérailles du foetus.
Le Texas, accro aux armes, à l'homophobie et à l'ultra-conservatisme, est l'un des états les plus réactionnaires et religieux des Etats-Unis : son opposition à l'avortement n'est donc guère une surprise. Depuis la mise en place de mesures restrictives en 2011, qui ont conduit à la fermeture de nombreuses cliniques spécialisées et gratuites pour l'avortement (la majorité des hôpitaux texans sont privés et refusent de le pratiquer), les croisades anti-IVG n'ont pas cessé. Tous les prétextes sont bons pour rendre la procédure la plus coûteuse et la plus traumatisante possible pour les femmes.
Et après avoir été déboutés en juin dernier par la Cour Suprême, qui avait annulé des mesures visant à compliquer davantage l'IVG sans aucune fondement médical, les réactionnaires ont cette fois eu le dessus. A partir de la fin de l'année, des funérailles seront imposées à toutes les femmes qui avortent ou même qui font une fausse couche hors de chez elles – et à leurs frais, évidemment.
"Malgré les protestations intenses de la communauté médicale et des défenseurs des droits en matière de procréation, l'État interdit aux hôpitaux, aux cliniques qui procèdent aux avortements et aux autres établissements de soins de se débarrasser des restes foetaux dans les décharges sanitaires, en autorisant seulement la crémation ou l'inhumation de tous les restes", explique Alexa Ura, du Texas Tribune.
Même si le foetus est invisible à l'oeil nu, une cérémonie funéraire devra donc obligatoirement être organisée par la mère. Et cette mesure est odieuse par son évidente volonté de culpabiliser les femmes, de les fustiger : "Les conservateurs du Texas sont toujours déterminés à trouver des moyens de punir les femmes qui ne mènent pas une grossesse à terme", écrit la journaliste américaine Amanda Marcotte dans son article pour Salon.
Ces funérailles obligatoires placent les femmes qui avortent (et celles qui ne portent pas leur grossesse à terme, même malgré elles) en criminelles ; en somme, on leur dit : "Tu as tué la personne qu'on enterre là – tu es une meurtrière". Non seulement cette mesure traite les femmes en enfants inconséquentes, incapables de mesurer les conséquences de leurs actes si on ne les y "force" pas, mais on se heurte également aux préjugés ultra-conservateurs hérités de la religion, et selon lesquelles une femme n'existe que pour faire des enfants. En avortant, les femmes se soustraient à ce système de poule pondeuse ; elles reprennent le contrôle de ce corps qui terrifie tant la religion et qu'elle cherche à soumettre à tout prix. Elles sortent de la case étroite que des siècles de sexisme leur avaient attribuée, et cette libération est loin d'être aisée, comme le montre les perpétuels retours sur le droit à l'avortement.
Malheureusement, les conséquences de cette nouvelle restriction seront lourdes pour les femmes. L'énorme traumatisme psychologique de cet enterrement obligatoire et son coût risquent de dissuader les femmes d'aller trouver des médecins ou d'aller dans des hôpitaux pour avorter. Et dans ce cas, le nombre d'avortements clandestins, extrêmement dangereux -voire mortels- pour les femmes ne manquera pas de grimper en flèche. Demandez de bonnes chaussures pour Noël, car les femmes n'ont pas fini de descendre dans la rue pour défendre leurs droits.