Culture
Big Data et vie privée : le vrai du faux sur la collecte de vos données personnelles
Publié le 25 février 2014 à 09:00
Par Marine Deffrennes
Les trois quarts des Français pensent que leurs SMS sont stockés par leur opérateur et que leurs conversations sont enregistrées. Vrai ou faux ? Sait-on vraiment qui stocke nos données, qui les vend, qui les achète ? D’après l’étude de l’Observatoire Orange-Terrafemina, l’inquiétude grandit face au vide pédagogique et législatif sur la collecte de nos informations personnelles. Les Big data pour les nuls, c’est par ici.
Big Data et vie privée : le vrai du faux sur la collecte de vos données personnelles Big Data et vie privée : le vrai du faux sur la collecte de vos données personnelles© iStockphoto
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« Le cœur du débat sur les data, c’est que personne n’y comprend rien, et que tout le monde peut raconter n’importe quoi ». Voilà en substance ce que déplore Gilles Babinet, multi-entrepreneur du digital et expert auprès de la Commission européenne sur les enjeux numériques. L’étude de l’Observatoire Orange-Terrafemina* sur les Big Data et la vie privée révèle la préoccupation des internautes face à des enjeux qui semblent peu ou pas assez pris en charge par les pouvoirs publics : 71% des internautes se disent inquiets quant à la collecte de leurs données, et 81% pensent que les lois existantes au niveau européen ne sont pas assez restrictives. Leurs réponses témoignent par ailleurs du manque d’information et de pédagogie quant au traitement de nos données par les sociétés privées et les institutions publiques. 

« Un monitoring permanent »

Les Français se sentent épiés en permanence, à la merci d’un système de tracking digne des films de James Bond. Via leur téléphone mobile d’abord : 64% pensent que leurs échanges sont enregistrés lorsqu’ils téléphonent à un particulier, 74% supposent que leurs SMS personnels sont stockés, et 80% se font la même idée sur leurs emails. Face à cette mise sur écoute, un quart se disent très inquiets, tandis que 45% le sont « un peu », 30% ne s’en préoccupent pas vraiment. 

Notre panel d’internautes interrogées par le Web Lab de l’agence Treize Articles entre dans un groupe de « résignés », inquiètes pour la forme mais conscientes de ne pas pouvoir lutter contre « la fin du secret ». « Le privé ne l’est plus vraiment », déclare l’une, « même avec des codes ou des mots de passe », ajoute une autre. Pas question pour autant de se priver de Facebook ou de Twitter pour ces utilisatrices chevronnées : « On sait qu’avec Internet il y a des risques, mais de toute façon, c’est notre mode de communication. »

Une surveillance officielle acceptée

Deux instances supérieures planent sur cette collecte de données : les entreprises privées et les autorités. Le débat sur l’article 13 et l’affaire de la NSA planent sans aucun doute sur les réponses de nos sondés, qui pensent pour 57% d’entre eux que les informations concernant leurs achats en ligne sont enregistrées et transmises à des organismes officiels de surveillance. Cette « surveillance » fantasmée sur les sites de e-commerce mais aussi sur les réseaux sociaux et des emails apparaît utile pour plus de la moitié des répondants, qui estiment qu'elle permet de lutter efficacement contre des organisations criminelles. Ultime paradoxe, 70% des sondés pensent que cette surveillance met gravement en danger les libertés individuelles.

Le flicage commercial toléré

En outre 81% sont persuadés que les sites sur lesquels ils achètent transmettent leurs données personnelles à d’autres sociétés privées et semblent s'y résoudre. Rompus aux usages du e-commerce nos internautes ne se formalisent plus : « J’ai tout à fait confiance et de toute façon il ne faut pas se leurrer, les informations sont vendues ou données », certaines préfèrent cibler leurs achats et partage de données sur certains sites, affichant parfois une trop grande confiance dans certaines marques et dans nos institutions : « Nos données sont très bien cryptées pour être protégées des pirates par Google, Facebook, LinkedIn et consorts… » déclare l’une, « On a la CNIL, C’est un organisme français qui protège la vie privée et nous permet d’effacer les données indésirables. » Belle illusion quand on sait que Facebook et Google sont les champions de l’utilisation des données de leurs utilisateurs à des fins commerciales. Quant à la CNIL, elle dispose de bien peu de pouvoir pour s’attaquer à la collecte internationale de nos données. 

Le vrai du faux

Vos conversations sont stockées et enregistrées lorsque vous téléphonez à un particulier avec un mobile.
Faux. Ce serait bien trop coûteux !  

Vos SMS envoyés à des particuliers sont enregistrés et stockés.
Vrai. Pour une certaine durée. Vos données de géolocalisation également. Mais les opérateurs français ne sont pas censés les consulter ni les utiliser. Ces informations peuvent être fournies par les opérateurs aux autorités juridiques ou administratives dans le cadre d’une enquête.

Vos emails envoyés à des particuliers sont stockés et enregistrés.
Vrai, si vous avez un compte Gmail : Google lit vos emails et les scanne à la recherche de mots clé pour vous envoyer des publicités ciblées ou « contextuelles ». À noter qu’il ne s’agit pas d’une lecture cursive mais d’un scan d’ordinateur. Les fournisseurs français ne sont pas équipés apriori pour ce type d’utilisation, ce qui ne signifie pas qu’ils ne pourront pas le faire un jour. Il est de plus en plus difficile de croire au droit à l’oubli sur Internet quand on sait que des sociétés sont déjà chargées d’archiver les pages Facebook existantes pour recueillir des données commercialement exploitables.

Lorsque vous faites des achats en ligne, vos informations sont transmises à des organismes officiels de surveillance.
Faux. En principe il n’y a aucune raison pour qu’une société privée transmette ces informations aux autorités. En France le cadre juridique est assez strict pour empêcher ce genre de dérive.

Lorsque vous faites des achats en ligne, vos informations sont transmises à d’autres entreprises commerciales privées.
Vrai, si vous avez coché oui dans la case correspondante. Le système opt-in/out est globalement respecté en France, vous décidez donc si vous voulez recevoir des emails de partenaires ou non. Néanmoins de plus en plus souvent cette clause est inscrite dans les conditions générales de vente que vous devez accepter pour finaliser la vente. Si vous voulez contrôler vos données, ne signez pas sans lire les CGV… 

Remerciements à Marie-Cécile Huet, CMO d'OpenDataSoft, et Gilles Babinet pour leur éclairage.

*D'après une étude online pour l'Observatoire Orange-Terrafemina. Étude qualitative réalisée par le Web Lab de Treize articles auprès d'une vingtaine de femmes très connectées issues de la communauté Terrafemina, âgées de 18 à 60 ans du 16 au 18 janvier 2014. Étude quantitative réalisée par Polling Vox auprès d'un échantillon de 1017 personnes représentatif de la population internaute française, les 22 et 23  janvier 2014.

>> Découvrez le dossier complet et résultats de l'étude « Big data : affaires privées, données publiques » <<

Mots clés
Culture Geekette observatoire orange / terrafemina
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