"Malsain", "choquant", "anti-féministe"
Les attaques pleuvent depuis quelques jours quand il s'agit de désigner le nouvel album d'un nom réputé dans le milieu du neuvième art : celui du dessinateur Zanzim. On doit pourtant aux coups de crayons de l'artiste un opus largement plébiscité par la critique, et par les "bookclubeuses" les plus militantes : Peau d'homme, relecture féministe du fameux conte de Charles Perrault, qui avait enchanté par l'intelligence de son discours et la finesse de ses esquisses.
Comment dès lors expliquer cette nouvelle controverse ?
Et bien c'est simple : le nouvel album de l'illustrateur, histoire dont il est également le scénariste, déconcerte fortement par son sujet et surtout... Son traitement. Il s'agit de "Grand Petit Homme" et cet album de bande dessinée relate comme le suggère ce titre limpide les tribulations d'un protagoniste qui va dangereusement rapetisser. Ce qui va quelque peu altérer les relations avec son environnement, avec autrui, et notamment la gent féminine. Pas forcément pour le plus grand plaisir des lectrices.
Car en images, vraisemblablement, ça ne passe pas...
Grand Petit Homme, une bande dessinée problématique ?
C'est ce qu'affirme en tout cas l'instigatrice du compte bookclubfeministe en vidéo : "Peau d'homme était une bande dessinée anti sexiste et hyper féministe... Mais 5 ans après, on se retrouve face à un récit masculiniste et 'ouin ouin' sur un mec voyeur voire agresseur. Ce sont des idées de merde que l'auteur véhicule... Comme le fait que ce personnage pleurniche car les femmes sont méchantes avec lui, tout ça à cause de sa taille... et surtout, sa taille va lui permettre de faire ce qu'il veut avec les femmes"
Pourtant, la créatrice de contenus est la première à penser que Peau d'homme était "vraiment innovant et fort". Mais la "suite dans les idées" a des allures de contradiction. Et à l'unisson, ses nombreuses abonnées fustigent un contenu qu'elles jugent déplacé... Ou pire.
"Je suis bien d'accord. J'ai détesté Grand Petit Homme. je l'ai trouvé incroyablement malsain. Grosse déception", "Je l’ai feuilleté en librairie, je l’ai refermé direct !", "Un auteur que je vais désormais soigneusement éviter du coup" peut-on lire.
Mais ce n'est pas tout. Une page en particulier agite la Toile.
A savoir, la rencontre entre le protagoniste, de taille minuscule, et une femme, de taille normale. Une lectrice s'en indigne : "il y a une scène où devenu minuscule il s'introduit dans cette femme, c'est clairement du viol en fait...". Et la TikTokeuse bookclubfeministe d'abonder : "il y a ces pages où le personnage devenu tout p'tit s'introduit chez une femme, dans son lit, lui touche le corps alors qu'elle est endormie, toute nue". Des abonnées voient là une "normalisation des violences sexuelles".
Des mots forts pour une bande dessinée qui semble jouer la carte de la provocation... Sans forcément aller dans le sens des dernières révolutions féministes. Ce serait même l'inverse.
D'autres lectrices s'exclament effectivement : "On est vraiment en plein backlash... On va plus jamais avoir la paix. Merci à toi pour ce retour", "Gerbant le bouquin", "C'est Le petit poucet prince des incels cette bande dessinée". Piqûres de rappel niveau lexique : un backlash, c'est un retour de bâton. Plus précisément, la systématique contre attaque réactionnaire que l'on constate après chaque révolution féministe. Cet anglicisme est le nom d'une enquête de la journaliste américaine Susan Faludi, publiée en 1991, et dédiée aux diverses formes qu'a pu arborer la "puissante contre-offensive pour annihiler les droits des femmes" dans la seconde moitié des années 80 aux Etats-Unis.
C'est ainsi qu'est perçu le ton de cette bande dessinée accusée d'être "mascu". Le masculinisme, c'est cette idéologie misogyne qui prône la haine des femmes, et auquel l'on associe les Incels, ces célibataires dits "involontaires" désignant les femmes comme les responsables de leur solitude et plus précisément de leur frustration sexuelle.
Un état d'esprit toxique observable dans cet album ?
Au sein du lectorat vraisemblablement déçu en tout cas, d'autres lectrices attentives pointent du doigt la dimension déjà très clivante d'un précédent album de l'artiste, L'île aux femmes. "Déjà problématique", "Une catastrophe également", taclent les férues de neuvième art.