Gravissime. C'est le terme employé par le Collectif français contre le viol conjugal pour prévenir d'une chose : en France, près d'un viol sur deux serait perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint. Autrement dit ? Près d'un viol sur deux serait un viol conjugal.
Présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert l'affirme : "Le lieu où les femmes sont le plus en danger, c'est chez elles". Et pour cause : 121 femmes seraient victimes de viols conjugaux chaque jour en France. Il y a quatre ans, la Fondation des Femmes estimait que les viols conjugaux représentent 47% des 94 000 viols et tentatives de viols enregistrés en France chaque année.
En abordant le sujet l'espace d'une tribune publiée dans Libération, le collectif tire la sonnette d'alarme. Et tient à envoyer valser préjugés et impensés. En interrogeant au passage tout ce qui rend si difficile le fait d'aborder le sujet. "Malgré la vague #MeToo en 2017, le mythe du devoir conjugal reste bel et bien toujours ancré dans les moeurs. Il est au coeur de l'absence de notion de consentement dans les couples. Beaucoup de victimes témoignent avoir été forcées par leur partenaire mais ne posent pas le mot "viol" sur leur vécu".
"Le viol conjugal, comme le viol en général, peut s'effectuer sans violence physique par pression psychologique, culpabilisation et insistance, et bon nombre d'agresseurs admettent d'ailleurs forcer leur partenaire, tout en se sentant légitimes pour le faire sous couvert de devoir conjugal". Accablant.
"De plus, le viol conjugal est très exposé au déni et à l'amnésie traumatique", déplore encore cette tribune, raison pour laquelle ce fléau est encore certainement trop peu considéré, bien trop minoré, mésestimé. Et ce alors que la loi française peut punir tout conjoint reconnu coupable de 20 ans de réclusion criminelle !
Il en fallu du temps pour parvenir à cette législation. Et passer outre ce mythe du "devoir conjugal". Et pourtant... "Dans les faits, la majorité des viols conjugaux ne sont pas pris sérieusement en compte par la justice", constate cette tribune. Bien trop de plaintes sont classées sans suite.
Comment changer tout ça ? En agissant. Sensibiliser la société au consentement au sein des couples avec bien davantage de prévention, accompagner les victimes "à toutes les étapes post-traumatiques", rendre obligatoire une journée de formation dédiée au viol conjugal pour tous les fonctionnaires publics en contact avec des victimes, abolir des interprétations de textes de loi la notion de "devoir conjugal", énumère le Collectif...
Le devoir conjugal, c'est une notion abolie depuis 1990.
Et pourtant, elle résonne encore bien trop dans les tribunaux. En 2019, la cour d'appel de Versailles avait condamné une femme parce qu'elle ne voulait pas avoir de rapports sexuels avec son mari, prononçant un divorce à ses torts exclusifs. Verdict ? "Ces faits constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune". Aberrant. Et 2019, ce n'est pas si loin.
Une certitude aujourd'hui ? Celle du Collectif français contre le viol conjugal : "Il s'agit d'un enjeu de santé publique contre lequel il convient d'agir urgemment. Le consentement n'est pas et ne doit jamais être une option".