"Venez comme vous êtes". Le célèbre slogan de l'enseigne McDonald's ne s'applique pas vraiment à l'Université catholique du Congo de Kinshasa. Début mai, Charlotte Kayamba, une étudiante congolaise de 26 ans scolarisée dans cette université, a posté une photo d'elle sur Facebook rapidement devenue virale. Sur le cliché en question, elle arbore une coupe afro.
En légende, elle dénonce : "Je ne vous ai peut-être pas informé, mais notre chère université a encore frappé fort (...) on n'a plus le droit d'entrer à la fac avec cette coiffure parce que nos cheveux ne sont pas peignés".
Charlotte s'est en effet vue refuser l'entrée à sa fac à cause de sa coiffure afro. Largement relayé par les médias africains et internationaux, le message de cette étudiante a suscité une vague d'indignation. Contactés par l'Agence France Presse (AFP), les responsables de l'Université ont justifié cette clause du règlement par "une exigence de propreté et de décence publique".
"Nous devons préserver les moeurs africaines dans cette société congolaise qui en a réellement besoin", a déclaré le secrétaire général académique de l'université Jean Onaotsho.
"À l'entrée du campus, des employés vérifient tous les jours notre style vestimentaire, que l'on ne porte pas de débardeur ou de jean déchiré, ce que je peux comprendre. Mais je ne vois pas en quoi des tresses longues ou des afros manquent de propreté ou de décence", rétorque Charlotte.
Fière de sa coiffure afro, la jeune femme n'avait auparavant jamais soupçonné que ses cheveux pouvaient représenter un obstacle à son éducation. "Ce type de coiffure ne devrait pas poser problème dans notre société", estime la jeune femme, contactée par France 24.
L'histoire de cette étudiante et de sa coiffure symbolise le Nappy, un mouvement lancé dans les années 2000 aux États-Unis, afin de dénoncer les diktats de beauté imposées aux femmes afro-américaines, que de nombreuses blogueuses et youtubueuses africaines ont rejoint pour revendiquer le port de cheveux naturels. Larissa Diakanua, Congolaise de 34 ans qui a rejoint un collectif Nappy formé il y a trois ans à Kinshasa et qui anime la page Facebook Nappy du Congo explique à Jeune Afrique :
"À Kinshasa et dans les provinces avoisinantes, porter ses cheveux naturels c'est être une artiste, une dingue ou une droguée ! Dans certaines branches, comme la banque, par exemple, il est juste impensable de porter une afro ou des dreadlocks. Moi j'ai la chance de travailler dans un environnement international, à la délégation de l'Union européenne de Kinshasa, où cela est toléré".
En Afrique, le défrisage de cheveux est une pratique très répandue, malgré son coût exorbitant (environ 210 euros par mois selon Larissa Diakanua) et l'utilisation d'intrants chimiques très nocifs pour la peau et potentiellement cancérigènes. "On dit que le lissage est normal... c'est faux, même si la pratique est séculaire, elle est liée à l'histoire de la colonisation, à l'esclavage", souligne Larissa Diakanua, qui envisage de contacter la direction de l'Université Catholique du Congo afin d'entamer un dialogue.
De son côté, Charlotte n'a pas subi de sanctions de la part de sa fac, mais a reçu plusieurs menaces sur Facebook. "Une supposée employée de la fac m'a menacée sur Facebook en disant que je devais chercher une autre université", raconte-elle à France 24.
L'étudiante a depuis décidé de renoncer à sa coupe afro au profit de deux tresses lorsqu'elle se rend à l'unviserité, afin de ne pas manquer ses cours. Encouragée par les nombreux messages de soutien qu'elle a reçu après sa publication Facebook, elle espère néanmoins que son histoire permettra de faire avancer le débat, notamment grâce à l'intervention du collectif de Larissa Diakanua à l'Université Catholique du Congo.
En novembre 2017, l'actrice kenyane Lupita Nyong'o avait découvert avec stupeur que sa chevelure afro avait été effacée de la couverture du magazine "Grazia UK". Choquée, elle n'a pas hésité à réagir immédiatement contre cette censure en poussant un coup de gueule sur Twitter.