Ce n'est un secret pour personne : lorsque l'on postule au job de ses rêves, mieux vaut ne négliger aucun détail en adressant un CV béton et une lettre de motivation irréprochable. Il y a pourtant un élément qui, dans presque tous les processus d'embauche, entre également en ligne de compte mais reste pourtant ignoré par la majorité des candidats : leur profil Facebook.
Souvent consultés par les recruteurs, les réseaux sociaux peuvent s'avérer déterminants dans un processus d'embauche, puisqu'ils peuvent par exemple aider à départager deux candidats au profil similaire. C'est en tout cas ce qu'affirment les chercheurs Nicolas Soulié, Matthieu Manant et Serge Pajak, de l'Université Paris-Sud dans une étude relayée par Le Monde .
Pour démontrer que les informations visibles sur un compte Facebook pouvaient avoir des effets pendant un processus de recrutement, ces chercheurs se sont livrés à une expérience : adresser, en l'espace d'un an, 837 candidatures factices répondant toutes à des postes de comptables en région parisienne, et référencés dans la base de données de Pôle emploi.
Toutes les candidatures adressées présentaient des caractéristiques similaires : bac+3, trois expériences de stages, permis B de conduire, logement dans le XVe arrondissement de Paris. Seule différence notable : les informations visibles sur les faux profils Facebook des candidats. Ainsi, tandis que Thomas Marvaux affirme sur son compte être né à Brive-la-Gaillarde et parler italien, Stéphane Marcueil lui, dit être né à Marrakech et parler arabe.
Les résultats obtenus lors de ce premier test sont sans appel : sur 230 candidatures envoyées de mars à septembre 2012, Thomas Marveaux a obtenu 49 réponses positives pour un entretien d'embauche alors que Stéphane Marcueil n'en a reçu que 31 sur 232 candidatures envoyées.
Pour Nicolas Soulié, cette différence entre les deux taux de retours positifs prouve qu'une "petite information sur Facebook a fait varier les taux d'une manière importante, même si elle n'a rien à voir avec les compétences professionnelles. Et quand on sait que les gens font des blagues sur Facebook – on peut très bien dire être né à Marrakech pour faire rire les copains, cela pose des questions sur le sérieux des informations prises en compte par certains recruteurs".
Pour conforter leurs conclusions, les chercheurs ont procédé à une deuxième vague de tests entre deux nouveaux profils fictifs : Julien Bautrant (né à Brive-la-Gaillarde et parlant italien) et Nicolas Bautrant (né à Marrakech et parlant arabe). Les résultats ont toutefois été plus compliqués à établir, puisque la période d'envoi des candidatures a coïncidé avec un changement dans la présentation des profils Facebook.
Avant le déploiement de ces nouveaux profils, les taux de réponses étaient similaires à ceux de la première vague de tests. Tandis que Julien Bautrant avait reçu 16% de taux de réponses positives (sur 81 candidatures envoyées), Nicolas Bautrant n'en avait reçu que 7,1%.
Avec l'arrivée des nouveaux profils, les résultats se sont finalement inversés : Julien Bautrant a reçu 8,3% de réponses favorables, contre 13% pour Nicolas Bautrant.
Pourquoi un tel changement ? Pour les chercheurs, le fait que la langue parlée par le candidat soit beaucoup moins visible sur le profil y est pour beaucoup. "La langue parlée est un élément central du processus de discrimination : si vous parlez une langue étrangère, cela veut dire que vous appartenez vraiment à la culture d'un autre pays, et cela peut être considéré comme une information négative", explique Matthieu Manant.
"On peut le regretter, mais un profil Facebook est consulté. Mais ce n'est pas forcément négatif, il suffit d'apprendre à s'en servir", conclut Nicolas Soulié, qui conseille de "nettoyer les informations sensibles, ou les rendre inaccessibles au grand public", ou encore "en jouer et afficher des éléments pouvant être considérés positivement par un recruteur".