La Servante écarlate (The Handmaid's Tale, en anglais), le roman dystopique de Margaret Atwood, n'en finit plus de résonner lourdement avec l'actualité. Alors des militantes américaines avaient déjà revêtu l'habit rouge de ces servantes destinées à la reproduction pour protester contre la politique anti-droits des femmes menées par Donald Trump, ce sont cette fois-ci les Irlandaises qui se sont emparées de ce costume hautement symbolique pour défendre le droit à l'avortement.
Mercredi 20 septembre, des dizaines de femmes vêtues de manteaux rouges et ayant coiffé leur tête d'une collerette blanche ont manifesté devant le Dáil, le parlement du pays, alors les législateurs y étaient réunis pour discuter du huitième amendement de la Constitution, qui interdit les interruptions volontaires de grossesse.
Dans ce pays conservateur, fortement imprégné de culture catholique, l'avortement est considéré comme un crime. En 2013, l'interruption de grossesse a été légalisée uniquement en cas de danger pour la vie de la mère de l'enfant. Les femmes étant tombées enceintes à la suite d'un viol n'ont toujours pas le droit d'avorter.
Organisée par ROSA, un groupe féministe "pour les droits de reproduction, contre l'oppression, le sexisme et l'austérité", cette manifestation avait pour but de mobiliser l'opinion publique en faveur de l'IVG avant le référendum sur la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse prévu en 2018 dans le pays. "Nous voulons une législation appropriée qui soit favorable au respect du choix des femmes et sera enfin en conformité avec les droits humains des autres pays", a déclaré la militante Una Reynolds au site Breaking News Ireland.
Cette manifestation en faveur de la légalisation de l'avortement intervient quelques mois après que le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a considéré que la législation draconienne bafouait les droits fondamentaux des Irlandaises. Le 13 juin dernier, le Comité a ordonné à l'Irlande de réparer le préjudice qu'elle a causé à Siobhán Whelan, qui a dû se rendre au Royaume-Uni pour interrompre sa grossesse en 2010, notamment en modifiant la législation relative à l'avortement de manière à ce que d'autres femmes ne subissent pas les mêmes atteintes.
"La majorité des Irlandais considèrent l'interdiction quasi-totale de l'avortement comme quelque chose de cruel, d'inhumain et de discriminatoire. Il est grand temps que les pouvoirs publics les laissent s'exprimer à ce sujet en organisant un référendum", avait déclaré cet été Gauri Van Gulik, directrice adjointe du programme Europe à Amnesty International.
"C'est la deuxième fois en un an que les Nations unies estiment que la législation de l'Irlande en matière d'avortement va manifestement à l'encontre des obligations internationales qui incombent à ce pays dans le domaine des droits humains. Nous nous félicitons évidemment de cette décision mais il n'en demeure pas moins scandaleux que des femmes soient obligées de se tourner vers les Nations unies pour faire respecter leurs droits fondamentaux. Combien de femmes devront encore souffrir avant que l'État irlandais n'ouvre les yeux ?"
Siobhán Whelan n'est pas la seule Irlandaise à s'être rendue en Angleterre pour mettre fin à une grossesse non-désirée. Selon Amnesty International, entre 10 et 12 femmes et jeunes filles se rendent chaque jour en Angleterre pour se faire avorter. Onéreuse (1 500 euros en moyenne), l'interruption volontaire de grossesse à l'étranger plonge généralement ces femmes dans un profond désarroi.