En 2012, l'étudiante de 23 ans Jyoti Singh Pandey a été violée par six hommes à bord d'un bus à New Dehli. Ce drame a profondément marqué le réalisateur et producteur indo-américain Ram Devineni. Et lui a inspiré un personnage il y a six ans de cela : Priya, la super-héroïne vengeresse qui, elle aussi victime d'un viol collectif, lutte contre les agresseurs en Inde, sous la bonne étoile des dieux hindous et notamment de la déesse Parvati.
Priya est, plus qu'un personnage, un emblème, créé afin de sensibiliser l'opinion publique à la condition des femmes en Inde, de la banalisation du viol à la stigmatisation des victimes. A travers sa voix retentissent celles des anonymes qui n'ont pu s'exprimer ou que l'on n'écoute pas. Et aujourd'hui, la défenseure des opprimées est de retour, masque au visage, l'espace de quelques comic-books mais également d'un dessin animé (voir vidéo ci-dessous), pour une mission tout aussi ambitieuse : lutter contre la désinformation autour de la pandémie de Covid-19 et, plus globalement, la pandémie qui bouleverse le monde. Priva vs Coronavirus, en deux mots.
C'est là le sujet de Priya's Mask, sa nouvelle aventure pop, au sein de laquelle la super-héroïne s'associe à Jiya, alias la "Burka Avenger", autre personnage populaire issu d'un dessin animé pakistanais. Comme l'explique la BBC, Priya, chevauchant sa tigresse volante Sahas, viendrait ainsi au secours d'une population qui subit de plein fouet la crise, sanitaire mais aussi économique. Une tragédie bien réelle.
Décrit comme une lutte entre "une super-héroïne féministe des temps modernes" et "un monstre invisible, un virus mortel comme nous n'en avons vu auparavant" (que de vils esprits propagent en ne portant pas de masque), cette aventure tumultueuse s'inspire beaucoup de l'expérience de sa scénariste Shubhra Prakash, ayant constaté les effets du confinement sur la population indienne. Priya pointe même le bout de son nez dans les hôpitaux, assistant au labeur du personnel soignant. Entre le comic-book fantaisiste et le témoignage citoyen donc. Ambitieux !
"Il y a beaucoup de stigmatisation autour de la maladie [...] Nous souhaitons combattre la désinformation, dissiper la peur et soutenir les médecins à la pointe de la lutte contre le virus", explique à la BBC Ram Devineni, le créateur indo-américain de la série de BD Priya. Cela fait des mois que la désinformation est massive en Inde, où les fake news circulent généreusement, entre théories du complot diverses et remèdes en toc, comme le fait de prétendre que "boire fréquemment de l'eau tiède et éviter la viande et la volaille" pouvait prévenir l'infection.
Sous la forme d'un dessin animé et de comic-books, Priya's Mask compte donc éveiller les consciences en évoquant les peurs actuelles, mais aussi apporter au public une bonne grosse dose d'espoir - récit super-héroïque oblige. Ce qui n'est pas une mince affaire dans un pays où l'on dénombre déjà plus de 9 millions de cas de contamination pour plus de 144 000 décès annoncés, à raison de plus de 300 morts par jour. Un bilan tout à fait alarmant.