Pour commencer, si vous n’avez jamais lu le livre, ni vu une seule de ses adaptations, vous découvrirez pour la première fois cette jeune femme « banale » à l’intellect et à l’honnêteté inébranlables. Jane Eyre est une jeune femme normale, pas l’une de ces héroïnes éthérées dont la littérature du XIXe siècle regorge. Jane Eyre est une jeune femme sans éclat, si ce n’est celui de son âme. Passionnée et sincère, elle apprend à réfréner sa fougue dans le très strict pensionnat de Lowood. Elle retrouvera sa joie de vivre au manoir de Thornfield-Hall, où elle est employée en tant que gouvernante de la jeune Adèle, pupille de M. Rochester.
Entre le maître des lieux et la jeune gouvernante se tisse une relation ambigüe, chargée de respect mutuel. Relation qui aboutira à un amour fusionnel et douloureux.
« Jane Eyre » est l’histoire d’une jeune femme indépendante et fidèle à ses convictions. Une femme libre et désintéressée, à une époque où la plupart de ses semblables ne pensaient qu’à trouver le meilleur parti. Le personnage de Jane Eyre fait figure de féministe en préférant renoncer à son amour et à un confort enviable plutôt que d’aller à l’encontre de ce qui lui semble juste. L’adaptation de Cary Fukunaga fait bien ressortir cet aspect du récit. Jane (incarnée par Mia Wasikowska), bien que discrète, n’hésite pas à exprimer ses idées. C’est une jeune femme instruite qui se soucie peu de plaire tant qu’elle reste fidèle à elle-même.
Certains ont évoqué une esthétique gothique présente dans l’adaptation de Cary Fukunaga, ce n’est pas tant du gothisme qu’une réconciliation avec l’aspect profondément romantique (au sens premier du terme) de l'œuvre originale écrite par Charlotte Brontë. La nature y est omniprésente, tour à tour apaisante, inquiétante voire hostile. Les paysages sont sublimes, les plans de lande déserte sont saisissants et participent à créer chez le spectateur une empathie avec le personnage principal. Cette empathie est amplifiée par le choix narratif de l’équipe du film. En effet, le film est déconstruit et fonctionne par flashback, il nous présente d’abord Jane fuyant, éperdue, courant dans les landes désolées. Le film s’ouvre sur la détresse de l’héroïne, avant de dérouler le fil de sa vie, jusqu’à sa fuite.
En revanche, alors que le personnage originel de Rochester incarne le parfait héros romantique, torturé, sombre, cynique, la version de Cary Fukunaga n’a absolument pas creusé cet aspect du personnage. Incarné par Michael Fassbender, Rochester y est un dandy assez lunatique, mais peu profond. La relation qui lie Jane Eyre à son employeur est trop facile, trop rapide, la puissance de leur attachement n’apparait que dans une seule scène, époustouflante heureusement. Mia Wasikowska et Michael Fassbender y sont transfigurés, leur jeu est d’une intensité rare qu’on aurait aimé trouver plus tôt dans le film.
Comme la plupart des autres adaptations de « Jane Eyre », la version de Cary Fukunaga est émouvante et fera rêver, voire même pleurer, les plus romantiques d’entre nous. Mais je crains que le mérite n’en revienne davantage à la grandeur de l’œuvre littéraire, qu’à la maîtrise de l’équipe du film, même si cette dernière nous livre une version honorable du roman culte de Charlotte Brontë.
Mia Wasikowska y est profondément touchante, parfaite en Jane. Sous ses airs fragiles et modestes, elle respire la force et la sincérité.
Les fans de Michael Fassbender apprécieront peut-être de le découvrir pour une fois, dans le rôle d’un homme amoureux. Les vrais cinéphiles en revanche seront certainement déçus de sa prestation, qui ne semble pas à la hauteur de son talent.
Néanmoins, si vous aimez les grands sentiments chargés de panache, les héroïnes pudiques mais passionnées, « Jane Eyre » est un film fait pour vous. Même si Cary Fukunaga et son équipe n’ont pas à rougir de leur travail, ce n’est pas la meilleure adaptation du roman, mais c’est assurément la plus belle visuellement, et la plus glamour en ce qui concerne le casting.
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