On dirait un poisson d'avril et pourtant c'est très sérieux. Des chercheurs de l'Université d'Australie du Sud ont utilisé la chanson "Thunderstruck" du célèbre groupe AC/DC pour optimiser la distribution des médicaments de chimiothérapie aux cellules cancéreuses. Lors d'une chimiothérapie, on bombarde l'organisme de radiations et de cocktails de médicaments afin de réduire au maximum les cellules cancéreuses. Mais une question demeurait : comment garantir une distribution optimale des médicaments censés attaquer les cellules cytotoxiques (les cellules malades qui attaquent notre organisme) ?
La solution trouvée par le professeur Nico Voelcker et son équipe est simple : le rock !
Les médicaments qui attaquent les cellules cancéreuses sont contenus dans des microparticules injectées dans l'organisme. Ces microparticules sont en fait de petits récipients : elles sont poreuses comme "de petites éponges" comme le confiait le professeur Voelcker à The Lead. Cela leur permet d'absorber la substance médicamenteuse appelée camptothécine avant de la délivrer aux cellules malades. Le problème était de faire en sorte que ces éponges ne relâchent pas la substance médicamenteuse de la même manière qu'elles l'absorbent. C'est pour cela que l'équipe de chercheurs d'Australie du Sud a mis au point une couche protectrice, similaire à une couche de Teflon sur une poêle : cette couche, faite à partir de polymère de plasma, a pour but de retenir la camptothécine dans la microparticule le plus longtemps possible afin de garantir une relâche lente et optimale du médicament dans les cellules malades.
Les chercheurs ont d'abord cherché à appliquer cette couche en chauffant en un point le plasma pour en recouvrir les microparticules ; mais dans ce cas-là, seule la partie exposée à la chaleur est protégée. Il fallait trouver une manière de répartir cet enrobage protecteur de manière plus uniforme.
Et c'est là que AC/DC entre en scène. L'équipe de Voelcker a eu l'idée de mettre sur une enceinte "Thunderstruck", connue pour son rythme endiablé et ses variations à donner le vertige. La musique, en pulsant, produit des vibrations rapides qui secouent les microparticules siliconées de haut en bas, ce qui a pour effet de recouvrir l'intégralité de leur structure d'une couche protectrice de polymère de plasma. Les chercheurs ont constaté que cette couche homogène de plasma froid parvenait à maintenir le médicament à l'intérieur de ces micro-éponges ; ils ont établi un lien de corrélation entre cet enrobage et le fait que la substance médicamenteuse arrive en quantité optimale aux cellules cancéreuses et soit délivrée plus lentement, et donc plus efficacement.
Le bilan de leur recherche a été publié par American Chemistry Society dans un article intitulé "Thunderstruck": Plasma-Polymer-Coated Porous Silicon Microparticles As a Controlled Drug Delivery System. Le professeur Voelcker a confié être heureux de leur choix de chanson : "Thunderstruck" sonne pour lui comme un bel hymne de la lutte contre le cancer.
La musique pourrait donc aider à soigner le cancer en optimisant la distribution de médicament dans le corps lors de la chimiothérapie, et le rock plus particulièrement, qui est plus efficace grâce à la rapidité de son rythme et ses pulsations. Cette technique n'a été utilisée pour le moment que dans le cadre d'un traitement contre le cancer, mais l'usage du rock pour améliorer la manière dont nos cellules transportent et assimilent des substances pourrait se décliner avec beaucoup d'utilité, pour des anti-inflammatoires ou des antibiotiques par exemple. Ça va bouger dans nos hôpitaux.