Samedi 26 octobre, plusieurs personnes ont été blessées, dont une grièvement, dans des heurts entre les forces de l'ordre et les manifestants contre l'écotaxe dans le Finistère. Agriculteurs et salariés d'entreprises en difficulté étaient arrivés en force, avec 250 camions, des tracteurs et des remorques. Leur cible : le portique de Pont-de-Buis, qui doit permettre de contrôler le passage des poids lourds soumis à la redevance kilométrique décidée par le gouvernement pour l’usage du réseau routier national. Les manifestants réclament un report sine die de cette nouvelle taxe pour les camions, dont la mise en place au 1er janvier 2014.
Elle « était prévue le 1er janvier (par le précédent gouvernement, ndlr), elle est toujours prévue le 1er janvier », a maintenu dimanche 27 octobre le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici, invité du Grand Rendez-vous d’Europe 1 – Le Monde – iTélé. De son côté, son collègue de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a affirmé lui qu'il remettrait «des propositions au Premier ministre» lundi 28 octobre. Il semble que Matignon ait mandaté ce dernier pour désamorcer la grogne du secteur de l'agroalimentaire.
Que comprend cette mesure réclamée depuis des années par les militants écologistes ? Promise par la droite à l'issue du Grenelle de l'environnement, la « taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises » (ou « écotaxe poids lourds ») a été entérinée en 2009. La mesure, portée à l'époque par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Environnement de Nicolas Sarkozy, instaure une taxe sur tous les camions de plus de 3,5 tonnes, quelle que soit leur nationalité, dès qu'ils empruntent certaines routes : 10 000 km d'autoroutes et routes nationales (non payantes), et 5 000 km de départementales ou communales sont concernés. L'objectif affiché : inciter les sociétés à privilégier des moyens de transport moins polluants (notamment transports ferroviaires et fluviaux) et raccourcir les circuits pour acheminer leurs marchandises.
Chaque poids lourd, au préalable enregistré auprès d'une société habilitée de télépéage, est muni d'un boîtiers GPS qui permet de « pointer » via des portiques installés sur l'ensemble des routes taxables. Le montant à payer dépend alors de la distance parcourue, mais aussi du poids et de l'âge du véhicule.
Compte tenu du surcoût engendré pour les transporteurs, qui devront répartir le montant de l'écotaxe sur la facture de leurs clients, le ministère prévoit une augmentation du coût du transport de l'ordre de 4,1%, soit une manne de 1,1 milliard d'euros par an pour l'Etat.
Bien que cette mesure concerne l'ensemble du territoire, pourquoi la Bretagne est-elle à la pointe de la contestation ? Particulièrement touché par la crise ces derniers mois, le milieu de l'agroalimentaire, secteur clé dans l'économie régionale, a fait de l'écotaxe un véritable casus belli.
La spécificité des infrastructures routières de la région -où malgré des autoroutes gratuites, les trajets seront plus chers-, explique en partie cette colère. « Il suffit de réaliser une estimation sur le site d'Ecomouv' pour le constater : un 38 tonnes qui va de Brest (Finistère) à La Roche-sur-Yon (Vendée) fait environ 365 km. Sur 3h50 de trajet, il en passe trois sur des routes taxables et doit s'acquitter de près de 28 euros au titre de l'écotaxe », rapporte ainsi FranceTV Info.
D'autres professionnels de l'agroalimentaire dénoncent également une double-taxation de certains produits, dans ce contexte économique très difficile. Au cours de leur transports, animaux et produits français seraient en effet taxés plusieurs fois, tandis que leurs concurrents étrangers qu'une fois, argumentent-ils. Ultime argument, un produit transporté d'un département à un autre serait taxé, tandis que celui qui parcourt de longues distances via les autoroutes ne le serait pas, expliquent-ils, battant en brèche l'argument en faveur des transports de proximité.