Figure médiatique connue, Michel Fize est sociologue au CNRS depuis bientôt trente ans. Spécialiste des questions de l'adolescence, de la jeunesse et de la famille, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont « L'adolescent est une personne... normale », « Antimanuel d'adolescence » et « L'Adolescence pour les Nuls » et plus récemment « Les Nouvelles adolescentes ».
Michel Fize : Cette appellation d’hypersexualisation est un peu fourre-tout : on y met à la fois les lycéennes, les collégiennes et les petites adolescentes à l’école. Or, la sexualisation est un processus d’apprentissage sexuel, qui ne concerne pas la tranche d’âge inférieure à 11 ans. L’hypersexualisation correspond en fait au phénomène des lolitas évoqué par les médias il y a 10 ans. Dans mon livre « Les nouvelles adolescentes » (éd. Armand Colin), j’évoque la « lolitisation », mais si on veut un terme plus neutre, on peut parler d’hyperféminisation. Il y a une revendication de l’identité sexuée, c’est-à-dire que les petites arborent leur féminité qui avait été mise de côté par les féministes en prônant la ressemblance avec les garçons. L’hyperféminisation est la présentation d’un féminin outré et outrancier car jouant sur des registres vestimentaires pouvant frôler l’indécence. Les filles veulent séduire, être populaires. Parfois le désir de popularité pousse à faire n’importe quoi, comme se déshabiller sur internet.
M.F. : Les images montrées sur internet déclenchent a minima une violence verbale à partir des mots du sexe (« pute », « enculé », « pétasse »). Il s’agit d’une indécence verbale dans la mesure où le sexe est utilisé comme mode d’agression de l’autre. Le premier effet d’internet est donc la libération de la parole. Son deuxième effet est l’imprégnation des esprits. A force de voir des hommes dans des positions dominantes et des femmes soumises, on réenclenche une vision rigide des rapports hommes-femmes. Cela nous ramène vers des grilles archaïques tout en mettant la barre très haut au niveau des exigences. Car internet oriente les pratiques : on s’embrasse plus tôt, les attouchements sont plus précoces et plus osés. Internet a contribué à changer l’image et la sexualité jusqu’à ce que les filles anticipent les désirs des garçons. Dès la fin du collège et au lycée, les filles prennent des initiatives. Ainsi les élèves de 3e entrent dans un jeu sexuel plus élaboré, au moins avec la fellation.
M.F. : C’est le point majeur de ce sondage. Cela prouve que ces parents ont confiance et respectent le droit. Ainsi, la Convention internationale des droits de l’enfant pose le principe du droit à l’intimité et au respect de la correspondance de zéro à 18 ans. Ainsi, quand on va en intrusion sur l’historique des sites consultés par les collégiens et les lycéens, on est en violation des droits de l’enfant. Donc, 42% des parents sont exemplaires : ils ont compris qu’il ne fallait pas s’introduire sans y être invité mais qu’il fallait donner les clés d’internet. Le gros bémol, c’est que les parents ne savent pas vraiment comment fonctionne internet. Il faudrait qu’ils aient un mode d’emploi même pour les logiciels de contrôle parental.
M.F. : Il faut remettre du sens derrière les mots. Toutes les petites filles se sont déjà déguisées en femmes, afin de ressembler à maman. Toutefois, elles ne se sont jamais prises pour des femmes. Le but est de ressembler à plus âgée que soi. Pour s’en sortir, il suffit de dire qu’il y a le dedans et le dehors. On peut le faire chez soi mais c’est plus problématique quand on veut le faire dehors. Cela dit, la question de l’éducation sexuelle reste posée. Tout le monde la revendique mais personne ne la fait. Depuis le primaire, les élèves sont censés avoir droit à 3 heures d’éducation sexuelle par an, mais souvent les enseignants n’en ont pas le temps. Les familles non plus ne le font pas vraiment. Non pas que ce soit tabou mais on ne sait plus que dire : en matière de sexe, qu’est-ce qui est normal et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Les parents sont débordés par le langage et les attitudes de leurs enfants. C’est donc internet qui se charge de l’éducation sexuelle, mais de manière très négative.
M.F. : Il ne s’agit pas d’interdire les tenues indécentes, le but est de définir une tenue « scolairement correcte ». Il s’agit de la même question que pour le port du voile, ou les pantalons trop grands qui dévoilent une partie des fesses. L’Education nationale devrait lancer une grande consultation sur le sujet, en incluant les élèves. L’indécence doit être reliée aux mœurs d’une société, elle commence au moment où on est choqué. Il faut dire aux jeunes filles qu’en portant une jupe trop courte, un maquillage trop prononcé, elles envoient un message que les garçons peuvent assimiler à une incitation à la sexualité. Mais plutôt que passer par l’interdit, il faudrait un dialogue entre les protagonistes.
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