Culture
Netexplo 2012 : bienvenue dans l'ère numérique humaniste
Publié le 15 mars 2012 à 18:35
Par Marine Deffrennes
Le Forum des Netexplorateurs 2012 a ouvert ses portes ce matin à Paris pour deux jours. Think tank à l'affût des nouveautés digitales du monde entier, Netexplo récompense les meilleures initiatives numériques. Pour son président, Thierry Happe, l'innovation technologique s'inscrit de plus en plus dans des problématiques sociétales, culturelles ou citoyennes. Interview.
Netexplo 2012 : bienvenue dans l'ère numérique humaniste Netexplo 2012 : bienvenue dans l'ère numérique humaniste
La suite après la publicité
Terrafemina : Dans votre présentation des lauréats Netxplorateurs 2012, vous faites le postulat d’une ère numérique plus humaine. Que voulez-vous dire ?

Thierry Happe : C’est un terme un peu grandiloquent, mais nous pensons en effet que nous avons dépassé avec les outils numériques un cap technique pour explorer les aspects de la vie sociale, économique et culturelle. Des convictions, des idées, peuvent donner naissance à des produits ou concepts, même développés avec des solutions low tech, qui impactent sur la société, améliorent le quotidien. Quand on voit le nombre de personnes désormais connectées, l’accès via les mobiles, tous les phénomènes Open Source, il y a une réelle opportunité à utiliser cet écosystème de diverses façons : business, économie sociale, etc. Je pense par exemple que la mobilisation citoyenne ou militante sur Internet, l' « activisme 2.0 », représente un élément structurant pour l’avenir.

Tf. : Est-ce que cela n’entre pas en contradiction avec la tendance d’arrière-fond que vous nommez « Track & Profile », les yeux et les oreilles numériques sont partout, et l’utilisateur est surveillé à outrance ?

T. H. : L’aspect humain constitue justement un point d’inflexion face à la tendance du « Track and profile », les internautes sont en train de réaliser qu’ils sont encerclés dans cette société numérique, avec l’émergence des problématiques sur l’identité numérique, le droit à l’oubli… Mais dans le même temps on assiste à la naissance d’autant de phénomènes de contre-pouvoir, qui s’inscrivent en équilibre avec cet effet « Big brother ». L’aspect humain finit toujours par pointer, voire reprendre le dessus.

Tf. : Que désigne la tendance que vous nommez « ID Drama » ?

T. H. : La gestion des identités multiples sur Internet pose de nombreuses questions. Là encore, c’est un mécanisme de défense face au fait d’être traqué et fiché au moindre clic. L’un de nos lauréats Netexplo 2012, la société indienne AADHAAR, a eu l’idée de créer la première base biométrique de la population indienne. Sachant que la démographie de l’Inde dépassera celle de la Chine en 2030, il s’agissait de remédier à une anomalie de l’administration indienne. En effet des lois ont été votées pour aider les 400 millions de pauvres du pays, mais ceux-ci, faute de papiers d’identité, ne bénéficient pas de ces aides qui restent dans les caisses de l’Etat. Le numérique permettrait ainsi de passer du 19e au 21e siècle en remédiant à la défaillance administrative. Mais ce projet censé sur le principe, pose des questions : quelle utilisation pourra être faite de ce fichier ? Des débordements des autorités au pouvoir ne sont-ils pas à craindre ? De leur côté les citoyens ne seront-ils pas tentés par les identités multiples, qui sont autant de masques pour se sentir libre, ou pour frauder ?

Tf. : Quel est l’avenir des réseaux sociaux ? Leur popularité peut-elle survivre à l’invasion du social marketing ?

T. H. : A l'origine, les réseaux sociaux sont nés dans une culture de partage, de transparence et de plaisir, mais nous pensons que cette culture est en train d’évoluer vers des relations d’influence et de business. Nous nommons cette tendance « Sway capital ». C’est tout l’enjeu du « Klout Score », qui analyse et classe entre 0 et 100 votre influence sur l’ensemble des réseaux sociaux. Les informations partagées avec nos amis et connaissances servent le développement de notre influence numérique. On doit devenir quelqu’un qui a une valeur numérique, et l’acte majeur est celui de la « recommandation », qui peut nous rendre important également pour une marque. Ce principe de recommandation pourrait même se substituer à la nature des recherches sur Internet. Au lieu de chercher un restaurant sur Google, on pose une question sur les réseaux sociaux, pour obtenir les avis et bons conseils des personnes de son réseau. L’évolution de ces relations virtuelles est de fait, passionnante à observer.

Tf. : Doit-on pour autant dire adieu à l’idéal de transparence du web ?

T. H. : Non, l’exigence de transparence fait partie de l’ADN d’Internet. Cela en devient presqu'une contrainte : quelqu’un qui ne s’exprime pas sur le net est suspect. Sur le sujet de l’Open data, de la transparence des données officielles par exemple, on constate qu’il n’est pas si facile d’y accéder. Une sorte d’hypocrisie s’est installée sur ce sujet. Je suis très étonné qu’on ne voie pas naître une remise en question plus intense du système. Par exemple, quand on connaît les chiffres de Facebook : 3,71 milliards de chiffre d’affaires en 2011, pour un effectif de 3200 collaborateurs, c’est énorme. Qu’est-ce qui retient les internautes de réclamer leur part du gâteau, puisque ce sont eux qui font vivre Facebook avec leurs données et leur activité ?

Le site du Forum des Netexplorateurs

VOIR AUSSI

Yahoo contre Facebook : la guerre est déclarée
Appli Instagram : une meilleure version pour Android
Etes-vous une pro des nouvelles technologies
L’Observatoire Orange-Terrafemina sur les révolutions numériques

Mots clés
Culture Geekette internet numérique
Les articles similaires
"J'ai senti que j'allais subir une humiliation" : il faut réécouter cette interview poignante de Maria Schneider sur le calvaire du "Dernier tango à Paris" play_circle
Culture
"J'ai senti que j'allais subir une humiliation" : il faut réécouter cette interview poignante de Maria Schneider sur le calvaire du "Dernier tango à Paris"
21 juin 2024
Affaire P. Diddy : c'est quoi cette folle théorie du complot qui implique Beyoncé ? play_circle
Société
Affaire P. Diddy : c'est quoi cette folle théorie du complot qui implique Beyoncé ?
3 octobre 2024
Dernières actualités
"On entend encore que les violeurs sont victimes" :  la plaidoirie historique de l'avocat de Gisèle Pelicot au procès de Mazan play_circle
justice
"On entend encore que les violeurs sont victimes" : la plaidoirie historique de l'avocat de Gisèle Pelicot au procès de Mazan
22 novembre 2024
"Les violences sexuelles sont dues à l'immigration" : cet homme politique tient des propos scandaleux play_circle
Politique
"Les violences sexuelles sont dues à l'immigration" : cet homme politique tient des propos scandaleux
22 novembre 2024
Dernières news