Un milliardaire gourou très charismatique, du genre à enchaîner publications Linkedin inspirantes et podcasts de développement personnel, invite deux jeunes femmes sur son île privée pour un long weekend tricoté d'excès. Mais ce véritable coin de Paradis pourrait tout à fait cacher un envers bien plus... Infernal.
Ca, c'est le pitch limpide de Blink Twice, le tout premier film en tant que réalisatrice de Zoe Kravitz, à découvrir dès à présent (et absolument) dans les salles obscures. Elle a co-écrit ce très perturbant thriller psychologique qui n'hésite pas à invoquer frontalement ses influences - Get Out de Jordan Peele, Midsommar de Ari Aster - pour mieux s'en émanciper à grands coups... De charge féministe énervée.
Et cruelle. Particulièrement cruelle. Moins contemplatif qu'un Ari Aster, plus dynamique d'un Jordan Peele, Kravitz brosse des portraits des femmes à la fois meurtries et fortes, esseulées et unies, nichées dans un véritable piège patriarcal, dont on devine les peu reluisants dessous.
Sans trop en dire... Vous ne risquez pas de décrocher de ce thriller diabolique aux révélations particulièrement retorses. Très vite, mise en scène et montage épousent au plus près les sensations de notre protagoniste, rendue euphorique par les expériences qu'elle vit sur cette île, et nous voilà, comme elle, coincés dans une impression de boucle...
Et le voyage vaut le détour. Vraiment. Car il est riche de sens.
Auréolé de son casting où se côtoient stars (Channing Tatum), visages bien trop rares (les très convaincantes Naomi Ackie, Adria Arjona et Alia Shawkat) et has been absolus (on vous laisse la surprise de ce côté-là !), Blink Twice est un grand trip sensoriel d'où l'on peine à sortir, surtout dans sa première partie hypnotique où science du cadrage - cadres dont le sens est immédiat, où se révèle a posteriori - et de la mise en son - des gimmicks musicaux lancinants qui font office d'effets de déjà-vu - suscitent notre trouble et notre fascination.
On a envie d'en (sa)voir plus. Et quand c'est le cas, émotionnellement, on regrette un peu...
No spoil ! Alors faisons-la courte : la grande force de Blink Twice par-delà sa mise en scène impressionnante de maîtrise (et jamais gratuite dans ses éclats) est d'invoquer de manière complexe bien des enjeux actuels. La manière dont Kravitz aborde les grands thèmes relatifs aux prises de conscience post-#MeToo n'a absolument rien de l'évidence. Révélations et dialogues vont venir bousculer le spectateur en privilégiant à la fois une ironie dévastatrice, mordante et douloureuse, et une vraie densité.
Le film ne manque pas d'humour. C'est là sa puissance. Et la façon dont la cinéaste sort de son contexte habituel des grands sujets de genre (par exemple, l'injonction des femmes à sourire constamment) suscite la surprise, l'amusement autant que l'angoisse. C'est très malin, très pertinent, et impitoyable. A ce titre, on a beaucoup pensé au très déconcertant ton de Promising Young Woman, une perle dans le genre. Kravitz privilégie la même causticité viscérale. Mais en l'imprégnant des codes du cinéma de genre.
Ca donne une curiosité. Testée et approuvée !