L'enjeu du logement renvoie à bien des discriminations, profondément inscrites dans notre société. C'est ce que démontre le nouveau rapport accablant de la Fondation Abbé Pierre. Un document passant au crible les quatre millions de Français mal-logés dans un contexte de crise énergétique.
"La facture logement, liée à trois décennies de hausse des prix à l'achat et à la location, est encore alourdie par des dépenses énergétiques devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer", explique le rapport.
Parmi les personnes les plus touchées par cette crise du logement, on retrouve en majorité les femmes. Et notamment, les mères célibataires, davantage concernées par le fait de se retrouver "dans un logement indigne ou suroccupé, ou encore dans un état d'errance résidentielle". Ces femmes souffrent d'une forme de précarité supérieure, de revenus moindres, parfois de par le fait d'occuper un emploi à temps partiel. A ce titre, plus d'un tiers des familles monoparentales - constituées à 83 % de mères solos - vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Et 40% des mères seules avec un enfant et 59% des mères d'au moins trois enfants subissent ainsi de mauvaises conditions de logement, contre 20% de la population générale, affirme la Fondation Abbé Pierre.
De plus, de plus en plus de femmes victimes de violences conjugales fuient leur foyer, mais 40% des femmes victimes de violences et en demande d'hébergement seraient laissées sans solution.
Mais les femmes hétéros ne sont pas les seules à être considérablement touchées par ce fléau du mal-logement. Ce 28e rapport de la Fondation alerte également sur les conditions de vie des personnes LGBTQI, autres victimes principales de ce "mal-logement".
"Jusqu'à présent, le sexe a rarement été considéré comme un facteur déclenchant ou aggravant du mal-logement. Pourtant, face au logement, être un homme ou une femme, ou appartenir à une minorité sexuelle, affecte considérablement les risques de subir diverses dimensions du mal-logement et bouleverse la manière même de vivre ce mal-logement", déplore à ce titre le rapport de la Fondation Abbé Pierre.
Facteur si primordial à prendre en compte que ce rapport lui accorde un intitulé spécial : "Le genre du mal-logement". Pourquoi ? Car, en dehors des difficultés économiques, conjugales ou professionnelles éprouvées par les femmes et les minorités, les personnes LGBTQI souffrent bien plus "des ruptures résidentielles douloureuses". Comme le fait d'être chassé·e de chez soi ou de chez ses parents, ce que subissent trop souvent les personnes LGBTQ "outées".
"La forte présence des violences de genre, qui constitue la toile de fond plus ou moins tacite de nombreuses situations d'exclusion sociale, représente une cause structurelle du mal-logement et de l'invisibilisation des victimes", développe encore ce rapport, qui perçoit en les difficultés d'hébergement et de logement qualitatif une autre forme de violence et de discrimination genrée touchant largement les minorités.
Pour la Fondation, il est dès lors crucial de mettre en place "une politique de logement" adaptée à ces enjeux majeurs. Parmi ses préconisations ? L'augmentation des minimas sociaux (qui avantagent les femmes), mais aussi de s'attaquer aux "inégalités de genre dans la société" : "partage des tâches domestiques, inégalités de salaires et de pensions de retraite qui ont des répercussions sur le logement".