Fadila Mehal : Cet appel est un cri pour dire que la situation des femmes s’est beaucoup dégradée ces dernières décennies en France et en bonnes féministes, cela suscite notre inquiétude. En matière de droits personnels, civils, sociaux et politiques, cette dégradation s’est malheureusement banalisée. L’inspiration au général de De Gaulle est normale car nous lui devons le droit de vote, mais depuis 1944, il reste encore beaucoup de Bastilles à prendre. Le 6 mars beaucoup de monde était présent à l’ESG, plus de 400 participants et parmi eux de très nombreux jeunes. Nos deux tables rondes ont réuni plus de 20 intervenantes, certaines étaient venues de Syrie, de Tunisie et d’Ukraine. Les politiques et les artistes étaient là aussi et nous avons eu des difficultés à limiter leur temps de parole car tous voulaient témoigner et apporter leur contribution.
F. M. : Beaucoup de monde malheureusement mais majoritairement des femmes. Ces femmes dont la retraite accuse un déficit de 20 semestres pour avoir des retraites pleines, ces femmes obligées de quitter le domicile familial avec leurs enfants pour fuir la violence de leurs conjoints, ces caissières de la grande distribution qui subissent le temps partiel, ces fonctionnaires qui représentent 50% de l’administration et 16% des postes de direction, ces jeunes filles des quartiers populaires qui doivent s’habiller en garçon pour cacher leur féminité. Ces invisibles de la République sont là pour nous rappeler que la promesse républicaine n’a pas été tenue en matière de parité.
F. M. : Sur les questions qui ne sont pas encore résolues et qui dégradent les conditions de vie des femmes : écarts de salaire, précarisation par le travail partiel subi, représentations dans les sphères de décision, accueil des femmes victimes de violences, structures d’accueil pour les IVG. Les réponses doivent être urgentes et concrètes. François Hollande qui s’est déplacé a rappelé que l’écart des salaires dans les entreprises devait être résorbé dans un délai d’un an, avant que les sanctions ne tombent, François Bayrou présent par une vidéo a appelé à la création d’un ministère de l’Égalité et la mise en place d’une loi cadre contre les violences faites au femmes, quant à Nathalie Kosciusko-Morizet présente en marge de la soirée, elle a rappelé sa volonté d’accélérer la création de structures d’hébergement.
F. M. : Vous avez raison, dans les quartiers populaires, il y a près de 30% de familles monoparentales avec en majorité des femmes seules qui élèvent des enfants et des adolescents. Ce sont souvent des femmes qui ne travaillent pas ou qui occupent des postes à temps partiel avec des rémunérations très faibles. Cette paupérisation doit être enrayée en luttant contre le temps partiel qui doit devenir une option de choix et non être subi. Nous préconisons la généralisation des contrats à durée indéterminée qui va inscrire les femmes dans un projet professionnel pérenne. Nous sommes favorables à la création de maisons de parents pour accompagner les familles en grande fragilité et réhabiliter la fonction parentale. Par ailleurs le scandale des écarts de salaire doit être combattu plus fermement en donnant un an aux entreprises pour être en conformité avec la loi et cette démarche doit engager plus fortement les partenaires sociaux.
F. M. : Il reste que DSK est encore professeur à Sciences po et qu’il est intervenu la semaine dernière à Cambridge malgré la pression des syndicats d’étudiantes. En vérité, le machisme ordinaire perdure en France, et des faits qualifiés de délits restent dans l’imaginaire collectif de beaucoup d’hommes, le substrat d’un machisme de bon aloi qui justifie « l’exception française ». Ces hommes confondent encore séduction et harcèlement, virilité et violences. Les Marianne de la diversité militent pour que cette banalisation soit combattue et que l’éducation à l’égalité hommes-femmes entre au plus vite à l’école maternelle.
F. M. : Il aurait fallu bien en amont changer le système électoral avec une dose de proportionnelle. Moraliser la vie publique avec le non-cumul des mandats dans le temps et en nombre. Il aurait fallu que les femmes soient plus nombreuses dans les commissions d’investiture des partis. Les trois grands partis que nous avons rencontrés pour notre appel à la résistance des femmes : l’UMP, le MoDem et le PS se sont engagés dans ce sens. Ce qui est sûr, c’est que les choses ne changeront positivement que si la pression des associations féministes demeure, et que nous coifferons du bonnet d’âne tous les partis qui déshonorent le principe d’égalité, et vous pouvez être sûrs que « nous ne lâcherons pas l’affaire » !
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