Pour le journal Le Monde, elle était sans conteste la grande "surprise" de la sélection du prix Goncourt. L'écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal vient de remporter le prix Goncourt des lycéens pour Les impatientes, son cinquième roman publié en dix ans. Une histoire aussi exigeante que poignante.
Poignante et exigeante, car elle brasse un bon nombre de thématiques tabous, comme le mariage forcé, la polygamie mais aussi le viol conjugal. Publication des éditions Emmanuelle Collas, Les impatientes nous emmène au Sahel et narre l'histoire - et surtout le calvaire - de deux soeurs mariées de force. L'occasion d'évoquer par le biais des regards féminins la réalité de violences patriarcales érigées en traditions - et en système.
Récit d'autant plus sensible qu'il est en partie autobiographique. Comme elle le raconte au média en ligne Brut, Djaïli Amadou Amal, elle aussi, a été mariée de force à 17 ans. C'est sa fuite - et sa survie - qui l'ont amenée à épouser la voie du romanesque. Bien lui en a pris. Clémence Nominé, présidente du jury du Goncourt des lycéens, salue aujourd'hui la justesse d'un "témoignage subtil et émouvant, sans lyrisme superflu".
On comprend volontiers pourquoi ce roman était déjà finaliste du prix Goncourt - tout court - fin novembre. Une plume remarquée... et alerte. Lors de ses prises de parole, Djaïli Amadou Amal n'hésite pas à revendiquer son militantisme féministe. A l'hebdo panafricain Jeune Afrique, elle explique : "L'écriture m'a d'abord servi d'exutoire puis elle a acquis une fonction préventive contre les violences. En montrant des femmes fortes dans un quotidien étouffant, je veux leur prouver qu'il est toujours possible de s'affirmer". Puissante note d'intention.
C'est aussi pour cela, remarque Le Monde, que le propos des Impatientes "résonne singulièrement dans une époque travaillée par les violences faites aux femmes". Une manière d'apporter visibilité et retentissement aux luttes pour les droits des femmes et à certaines thématiques bien trop silenciées. Car comme l'indiquent les nombreuses alertes de la station de radio nationale VOA Afrique, le phénomène des mariages forcés de femmes et de filles est toujours aussi alarmant dans des pays d'Afrique de l'Ouest comme le Togo ou le Bénin.
Son engagement, l'écrivaine le réitère volontiers au site Afrolivresque : "Si défendre les droits des femmes et essayer d'apporter des solutions aux problèmes qu'elles rencontrent est féministe, alors je suis une féministe". CQFD. Un roman pour visibiliser cette cause, donc, mais pas seulement. Comme le rappelle encore le Parisien, avec le sacre de l'autrice camerounaise, c'est également la première fois qu'un pays subsaharien fait son entrée dans l'histoire du Goncourt. De quoi rêver à de plus inclusives cérémonies et récompenses à l'avenir.