"Violeur en série" d'un côté, "femme éconduite" de l'autre, les parties ont campé sur leurs positions au troisième et dernier jour du procès en appel à Genève de l'islamologue suisse Tariq Ramadan, jugé pour viol et contrainte sexuelle.
Il y a un an, le 24 mai 2023, à l'issue d'un premier procès qui s'était déroulé dans une ambiance très tendue, le Tribunal correctionnel de Genève avait M. Ramadan, 61 ans, faisant valoir l'absence de preuves, les témoignages contradictoires et les "messages d'amour" envoyés par la plaignante.
Convertie à l'islam, "Brigitte", qui se fait appeler de la sorte pour se protéger de menaces, assure qu'il l'a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d'insultes dans la chambre de l'hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
Elle a indiqué durant l'enquête l'avoir connu lors d'une séance de dédicaces quelques mois auparavant, avant de le revoir lors d'une conférence. S'en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux.
La date du jugement de la chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève n'a pas encore été annoncée. Les parties pourront faire appel devant le Tribunal fédéral.
Selon la partie civile et le procureur, qui a requis trois ans de prison dont la moitié ferme, la plaignante a attendu dix ans avant de porter plainte car elle était sous "l'emprise" de M. Ramadan.
Le procureur a également invoqué le "syndrome de Stockholm" et la "dissociation" pour expliquer les messages d'amour "paradoxaux", et a fait valoir qu'elle avait parlé de son vécu peu après les faits à plusieurs personnes, dont deux psychiatres.
Tariq Ramadan, figure charismatique et contestée de l'islam européen, nie tout acte sexuel et plaide l'acquittement. Il dit s'être laissé embrasser avant de mettre fin à l'échange et accuse la plaignante de vouloir se venger pour avoir été "éconduite".
"La souffrance (de la victime) n'est nullement contestée dans cette affaire. Ce qui est contesté, c'est la cause de la souffrance", a déclaré l'avocate de M. Ramadan, Me Yaël Hayat.
Elle reconnaît que son client "va succomber à la tentation" en voyant la femme dans sa chambre d'hôtel. Mais elle a rappelé aux juges que ce procès ne doit pas être "celui de l'homme public, de l'homme de foi ... ou celui de la morale", observant que l'adultère n'est pas un délit.
Comme en première instance, Tariq Ramadan, sur lequel pèsent également depuis 2017 des accusations de viol en France, s'est posé en victime d'un "piège" fomenté par un "groupe de femmes" qui ont cherché à le "faire tomber".
Pour Me Hayat, le délai de 10 ans avant la plainte correspond ainsi au "temps de macération" durant lequel ces femmes ayant "fait l'expérience de la désillusion" auprès de son client "se liguent" et font de lui "leur cible".
Selon l'accusation, c'est le fait que des femmes ont porté plainte en France en 2017 contre M. Ramadan qui a poussé "Brigitte" à en faire de même en Suisse, en avril 2018.
La procédure française a été maintes fois évoquée pendant ces trois jours par le procureur et la partie civile, contrairement au procès en première instance car les juges ne voulaient alors pas en entendre parler.
Cette procédure a fait dire à l'avocate de "Brigitte", Me Véronique Fontana, que M. Ramadan était un "violeur en série", mais la défense a rappelé qu'il n'a "jamais été condamné pour une infraction sexuelle".
La cour d'appel de Paris se prononcera le 27 juin sur l'appel de M. Ramadan contre son renvoi devant la cour criminelle départementale pour le viol de quatre femmes entre 2009 et 2016, le parquet général ayant requis l'abandon des poursuites pour trois d'entre elles et écarté toute notion d'emprise.
Il avait d'abord contesté tout acte sexuel avant de reconnaître des relations sexuelles extraconjugales "de domination", rudes mais "consenties".
Un revirement qui, selon la partie civile suisse, montre que M. Ramadan "est capable de mentir".
Ce à quoi Me Hayat a rétorqué: ce procès "ne doit pas être celui de la France", ajoutant : il "a les traits d'un imposteur mais pas d'un violeur".
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