Le marché mondial de l'esthétique médicale ne s'est jamais aussi bien porté. Il a presque doublé ces quatre dernières années, passant de 5,6 à 10 milliards d'euros. Cette croissance insolente ne devrait pas seulement se poursuivre d'ici 2022 mais aussi s'accentuer selon les prévisions. Ce marché a ses bestsellers : dans l'ordre d'importance, l'augmentation mammaire, la liposuccion, la chirurgie des paupières et la rhinoplastie.
Depuis plusieurs années, les interventions de "rajeunissement vaginal" font aussi partie du tableau. Selon une étude de la Société Internationale de Chirurgie Esthétique et Plastique portant sur l'année 2017, elles sont les interventions qui se sont développées le plus vite avec une croissance de 23% par rapport à l'année précédente. Elles devancent le lifting du bas du corps (22%), le lifting fessier (17%) et la rhinoplastie (11%). Alors que se tient à Paris, du 31 janvier au 2 février, un congrès mondial rassemblant chirurgiens plasticiens, dermatologues et experts de l'esthétique médicale et chirurgicale, le HuffPost a voulu comprendre ce que signifiait ce succès et ce qu'il recouvrait.
"On ne rajeunit pas, on restaure", préfère Nicolas Berreni, gynécologue obstétricien et responsable des sessions génitales à l'IMCAS, l'organisme qui organise ce congrès. "Le terme de rajeunissement, c'est du marketing. Certes, on lutte contre le vieillissement mais surtout, nous sommes là pour redonner la fonction initiale."
Les termes sont importants car un premier coup de semonce a été donné à la profession en août 2018. L'autorité sanitaire de référence aux États-Unis, la FDA, a pointé du doigt certains traitements permettant des "rajeunissements" vaginaux. Elle mettait en garde contre les blessures que pouvaient engendrer, par exemple, les utilisations du laser et de la radiothérapie pour la vaginoplastie, une intervention visant à réduire la taille de l'orifice vaginal, notamment après des grossesses.
Outre la vaginoplastie, le terme "rajeunissement" (ou rénovation vaginale) recouvre des interventions aussi diverses que la restauration de l'hydratation du vagin après un cancer, le traitement de l'incontinence ou la labiaplastie, autrement dit les opérations de chirurgie des lèvres génitales. C'est cette dernière qui soulève le plus de questions. Certaines femmes se plaignent d'une atrophie ou hypertrophie des grandes lèvres et/ou des petites lèvres. Il est ainsi possible de gonfler les grandes lèvres en les remplissant d'acide hyaluronique ou de graisse.
Si de nombreux gynécologues rappellent qu'il existe autant de formes de vulves que de femmes, la représentation de l'appareil génital féminin largement partagée est souvent simplifiée et résumée à une fente, des tableaux de la Renaissance ou au porno.
Cela pèse sur l'image que les femmes portent sur l'apparence de leur sexe et les oblige à faire une comparaison pas forcément pertinente. Une étude publiée en juin 2018 a montré après avoir étudié pendant deux ans les appareils génitaux de 657 femmes suisses de 15 à 84 ans qu'il n'existait pas de "vulve normale", vu l'importance des différences anatomiques constatées.
"Lorsque l'on vient me voir pour une nymphoplastie, mes patientes me disent souvent : 'c'est très moche'", admet Nicolas Berreni. Cependant, la notion d'inconfort ou de problème plus sérieux est aussi avancée pour justifier ce type d'interventions. "Les grandes lèvres sont comme des paupières, là pour protéger les petites lèvres, l'entrée du vagin, explique-t-il encore. Sans cette protection, les petites lèvres frottent contre un sous-vêtement, un vêtement et cela peut créer une inflammation qui peut revenir de manière chronique, la vulvite".
Il est difficile de faire la distinction entre les opérations à visée fonctionnelle et celles qui relèvent purement de l'esthétique, car une étude précise sur les motivations des patientes sur le sujet manque.
Pour Gilbert Montale, chirurgien plasticien, interrogé dans Grazia, l'argument fonctionnel explique de moins en moins le recours à ce type d'interventions. "Les jeunes femmes d'aujourd'hui demandent une nymphoplastie à but esthétique (si les lèvres pendent trop par exemple), c'est un choix subjectif. Tandis qu'auparavant, les femmes recourraient davantage à cette intervention pour régler un problème d'inconfort ou de douleurs pendant les rapports."