Culture
6 super films qui célèbrent la puissance des soeurs
Publié le 19 mars 2021 à 17:58
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
S'il y a bien un thème qui parvient à investir tous les mondes de cinéma, c'est celui-là : le lien fort qui unit les soeurs entre elles. Des récits littéralement "sororaux", le septième art nous en a offert de très beaux, du classique indéniable à la petite perle. Florilège.
"Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy, la célébration de la sororité à l'état pur. "Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy, la célébration de la sororité à l'état pur.
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On connaît bien des hymnes à la sororité. Comme cette chanson magnifique de Clara Luciani, sobrement intitulée Ma soeur : "Ma soeur, nous avons des coeurs siamois / Et chaque coup que tu reçois / Ricoche et me frappe deux fois / Je tiens dans ma main ton poing serré / Et rien ne peut nous résister / Puisque nous l'avons décidé".

Et au cinéma aussi, ces "coeurs siamois" donnent lieu aux plus iconiques des représentations. Film historique, comédie musicale, tragédie, comédie, cinéma fantastique, brûlot féministe... La figure des soeurs n'échappe à aucun genre, ou plutôt, ce sont les soeurs qui les investissent et les possèdent. Cinéastes et comédiennes s'exercent à mettre en mots et en images la puissance du lien sororal. Avec brio, souvent.

La preuve en six films aussi pluriels que remarquables.

"Virgin Suicides" de Sofia Coppola (1999)
"Virgin Suicides" de Sofia Coppola. © Pathé

Comment expliquer le succès mondial du récit tragique des soeurs Lisbon ? Par bien des choses en vérité : la bande sonore mythique du groupe électro versaillais Air, le premier passage à la mise en scène remarqué de Sofia Coppola, le charisme de jeunes comédiennes (Kirsten Dunst, Andrea Joy Cook, Hanna R. Hall, pour ne citer qu'elles) dont la complicité sororale ne fait aucun doute à l'écran...

Mais plus globalement, c'est la mélancolie diffuse de ce portrait de jeunes filles en fleur qui le rend si atemporel. En privilégiant une atmosphère aussi mélancolique que solaire, tour à tour vaporeuse, aérienne et pesante, la réalisatrice du futur Lost in Translation saisit un "je ne sais quoi" de l'adolescence. Et surtout, de l'adolescence au féminin. Une sorte de sentiment que les hommes (personnages comme spectateurs) peineraient à capter.

Dans l'univers tantôt nostalgique, tantôt étouffant qu'elle dépeint, l'union des soeurs est à la fois une forme de survie et un pacte morbide. Une approche ouvertement romantique qui émeut toujours autant.

"A ma soeur !" de Catherine Breillat (2000)
"A ma soeur !" de Catherine Breillat. © Arte France Cinema

Il fait bon redécouvrir le cinéma sans concessions de la réalisatrice féministe Catherine Breillat. Avec A ma soeur ! (le point d'exclamation compte), la cinéaste s'attarde sur la relation douce-amère de deux soeurs adolescentes, opposées dans leur quête de désir(s) et leur attrait pour celui d'autrui. L'une est introvertie, effacée, comme si son expérience du monde l'avait déjà déçue, l'autre est séductrice, cinglante, volontiers impitoyable.

Tout semble séparer ces ados qui tuent le temps comme elles peuvent (dans la demeure familiale, sur la plage, dans les cafés) et pourtant, quelque chose les reliera : une même expérience de la violence patriarcale, dans ce qu'elle a de plus abjecte, lâche et traumatique. Entre instants de banalité et crudité explicite, Breillat nous attache à ces soeurs (dont la toute débutante Roxane Mesquida) pour mieux évoquer la manière dont la société "adulte" sexualise les jeunes filles, cherche à normaliser leurs corps, et les violente jusqu'à briser ce qui les unit.

Un film choc.

"Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy (1967)
"Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy. © Madeleine Films

"Nous sommes deux soeurs jumelles / Nées sous le signe des Gémeaux". Alors que Netflix propose désormais un éventail d'oeuvres restaurées de Jacques Demy - dont celle-ci - plus aucune excuse pour ne pas (re)découvrir Les demoiselles de Rochefort, comédie musicale célébrant avec couleurs, mélodies et fracas bien des choses : la magie du cinéma, l'amour dans ce qu'il a de plus lyrique, la liberté des femmes (liberté de danser, de chanter, d'aimer, de "coucher" ou non, bref, de vivre sans dépendre des mufles), et, bien sûr, la puissance des soeurs.

Puissance qui malgré l'écrin pop sixties de Jacques Demy demeure indémodable, tant ses deux comédiennes principales, Catherine Deneuve et Françoise Dorléac (vraies soeurs dans la vie), l'expriment avec éloquence. Ces "demoiselles" bien décidées à monter sur Paname pour fuir leur train train quotidien incarnent la sororité dans ce qu'elle a de plus stimulant : un concentré d'énergie et de joie, d'optimisme invétéré et de franc parler émancipateur. D'une profonde modernité.

Et un grand mix qui se savoure en chansons, s'il vous plaît.

"Les ensorceleuses" de Griffin Dunne (1998)
"Les ensorceleuses" de Griffin Dunne. © Warner Bros

Les ensorceleuses fait partie de ces curiosités des années 90 qui, le temps faisant son effet, tendent à être de plus en plus revalorisés. L'histoire ? Gillian et Sally, deux soeurs expertes en magie noire, se forcent à taire (autant que faire se peut) leurs dons exceptionnels de sorcellerie pour vivre une existence un tant soi peu normale. Seulement voilà, leur routine se voit bouleversée lorsque Gillian se défend contre son conjoint violent...

On le devine à la lecture de ce synopsis, ce film bien moins insouciant qu'il en a l'air use du registre fantastique pour nous parler des violences conjugales, de la chasse aux sorcières (séquence d'ouverture immersive à l'appui) ou encore du slut shaming, notamment à travers la voix de Gillian, incarnée par une Nicole Kidman égale à elle-même, débordante de classe. A ses côtés, la mésestimée Sandra Bullock, admirable en amoureuse s'exerçant à accepter une normalité style Ma sorcière bien-aimée tout en venant à la rescousse de sa chère soeurette.

Nous parler de sororité par le biais de la sorcellerie ? L'idée est limpide : bien qu'hérétique aux yeux de la religion, l'union des soeurs se fait sacrée au sein d'un patriarcat ayant largement participé à la diabolisation millénaire des femmes. Et leurs péripéties surnaturelles n'en sont dès lors que plus subversives.

"Les Filles du Dr March" de Greta Gerwig (2019)
"Les Filles du Dr March" de Greta Gerwig. © Columbia Pictures

On ne compte plus le nombre d'adaptions sur petit ou grand écran du classique romanesque de l'Américaine Louisa May Alcott. Rien qu'à l'évoquer, des visages familiers d'actrices ayant incarné les fameuses "filles du Dr March" nous reviennent spontanément à l'esprit : Katharine Hepburn, Elizabeth Taylor, Winona Ryder, Kirsten Dunst (décidément habituée aux rôles de soeurs)... Excusez du peu.

A nouvelle décennie, nouveaux profils. Saluée pour ses productions aussi indépendantes qu'exigeantes (Lady Bird), Greta Gerwig signe une nouvelle adaptation aux élans féministes et donne le la à une génération de jeunes comédiennes remarquables : Emma Watson, Saoirse Ronan, Florence Pugh. Chacune apporte convictions, sensibilité et ampleur dramatique à ces diverses facettes de la féminité. Insouciance, romantisme, gravité, complicité...

Une complémentarité qui fait mouche. Mais échappera malheureusement aux cérémonies des Oscars et des Golden Globes, la fresque de la réalisatrice étant multi-nommée mais très peu récompensée. Tout juste faudra-t-il se contenter d'un timide (mais légitime) Oscar des meilleurs costumes, l'évidence pour un film historique.

"Mustang" de Deniz Gamze Ergüven (2015)
"Mustang" de Deniz Gamze Ergüven. © CG Cinema

Drôle de titre pour un film en forme de phénomène. Avec Mustang, la réalisatrice et actrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven a délivré ce que certains critiques ont pu résumer comme "le Virgin Suicides germano-franco-turc". Cette chronique chorale met effectivement en scène cinq jeunes soeurs luttant contre un patriarcat qui voudrait faire taire leurs voix, et notamment les contraindre au mariage forcé.

L'occasion pour la cinéaste et scénariste native d'Ankara de prendre le pouls d'une société turque répressive, celle du président Erdoğan. Un regard critique qui, sur fond de Nick Cave, capte des paroles révoltées, comme si les personnages de soeurs étaient toujours les plus adéquats pour nous raconter la condition des femmes, et surtout, la nécessité de leur indignation solidaire, quel que soit le pays concerné.

Des paroles non seulement indignées, mais également largement remarquées à travers le monde. Mustang fera effectivement le tour des festivals. Primé dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2015, le film sera également honoré du Goya du meilleur film européen 2016. Surtout, il aura droit à quatre César (récompensant son scénario original, son montage, sa musique, son statut de premier film) et représentera même la France lors de la Cérémonie des Oscars de la même année. Fierté !

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