Début 2019, on avait déjà adoubé la saison 1 de Sex Education. Entre découverte du plaisir, histoires de coeur ou d'amitié, et ouverture clandestine d'un cabinet de sexologie dans les toilettes abandonnées du campus, le synopsis nous avait vite accrochée. Un an après, on ressort bouleversée de la suite des aventures d'Otis (Asa Butterfield), Maeve (Emma Mackey) et Eric (NCuti Gatwa). Une saison 2 approfondie, tant sur la psychologie des personnages que sur le spectre de leurs sexualités.
A Moordale, établissement à mi-chemin entre codes américains et tradition britannique, les ados sont comme les autres. Ils vivent, ils glandent, ils aiment. Et ils se questionnent. Beaucoup. Surtout pour savoir si ce qu'ils ressentent - tant physiquement qu'émotionnellement - est "normal". S'ils n'ont pas de "problèmes". Des interrogations qu'ils réservaient jusqu'ici au "petit sexologue", alias Otis (toujours présent bien que davantage concentré sur ses propres relations), mais qui prennent désormais la route du cabinet temporaire de sa mère et sexothérapeute, Dre Jean Milburn (Gillian Anderson).
Car cette saison, elle exerce provisoirement au lycée comme experte face au manque notoire d'informations divulguées aux élèves - une épidémie de chlamydia trahira l'absence d'éducation sexuelle solide. Dans son bureau improvisé, elle écoute les ados lui raconter leurs tracas. L'un d'eux ne comprend pas pourquoi sa copine lui couvre le visage quand elle jouit, un autre se demande si se masturber 17 fois dans une journée n'est pas un peu exagéré.
Et puis il y a Florence. Elle est la Juliette de Roméo et Juliette, la comédie musicale érotico-cosmique qui se monte en arrière-plan. On s'attend forcément à ce qu'une intrigue amoureuse s'installe entre elle et un autre personnage, ou à ce qu'elle tire un coup vite fait dans une salle de classe vide - à l'image de ses camarades clairement porté·es sur la question.
Sauf que Florence répond toujours "Il n'est pas mon genre" quand ses ami·es lui suggèrent, non sans pression normative, un potentiel prétendant. Pas par snobisme mais plutôt, on le découvre lors d'une séance en tête-à-tête avec la docteure Milburn, car elle n'a d'attirance pour personne. "Je n'ai pas envie de faire l'amour, du tout. Je crois que je suis cassée", lance-t-elle à son interlocutrice. "Je ne ressens rien, ça ne me touche pas du tout". Jean ne sourcille pas. Et au lieu de lui rétorquer qu'il s'agit probablement d'une phase et que cela changera quand elle rencontrera la "bonne personne", elle aborde l'asexualité.
Si la représentation des personnes homosexuelles et bisexuelles sur les écrans s'améliore ces dernières années, celle des autres orientations sexuelles reste trop rare. Et c'est le cas de l'asexualité. Peu savent d'ailleurs ce qu'elle signifie. Florence est grande, mince, a de longs cheveux bouclés et correspond à ce que la société considère comme "séduisante". Et quand bien même, les rapports sexuels ne l'intéressent pas. Elle ne s'identifie pas à la frénésie adolescente qui l'entoure, guidée par les hormones et l'envie de faire comme tout le monde.
Elle se sent seule, incomprise. Mais Jean normalise ce qu'elle traverse : "Ne pas avoir de rapports sexuels est un choix valide. [L'asexualité], c'est quand quelqu'un ne ressent aucune attirance sexuelle. Certaines personnes veulent des relations amoureuses mais sans le côté sexuel. Et certaines ne veulent rien du tout. La sexualité est fluide."
Au milieu d'une série entièrement dédiée à l'éducation sexuelle, et dont l'accouplement semble l'un des objectifs principaux de la plupart des personnages, Sex Education poursuit en rappelant, à travers les paroles justes de la sexologue bienveillante, que "le sexe ne nous définit pas". Des mots qui ont fait écho à de nombreuses personnes, et notamment à Aline Mayard, journaliste, et elle-même asexuelle.
"Quand je parle de mon asexualité, je suis souvent obligée d'expliquer ce que cela veut dire", écrit-elle. "Je suis ravie de le faire car il faut que cette orientation sexuelle soit plus connue, que les personnes concernées puissent mettre des mots sur ce qu'elles vivent, mais c'est fatiguant". Elle poursuit : "Voir une adolescente assumer son manque d'attraction sexuelle et le Dr Milburn lui expliquer que l'asexualité existe est hyper important. Cela permet de fournir des informations de qualité aux personnes concernées et non-concernées et de valider l'asexualité".
Et surtout, de contribuer à ne plus stigmatiser celles et ceux qui vivent leur sexualité différemment, quel que soit leur âge et leur genre. Décidément, Sex Education est d'utilité publique. Vivement la saison 3 (probablement prévue en 2020) pour explorer de façon toujours aussi fine le spectre des sexualités.