Sur son compte Instagram, Merve Taskin, 23 ans, documente sa vie d'influenceuse : on la découvre en pleine séance de yoga, en paréo au bord d'une piscine, face à une pyramide maya au Mexique ou posant devant la Tour Eiffel... Rien que de très banal. Pourtant, la jeune instagrammeuse turque vient d'être appelée à comparaître en octobre prochain devant une cour de justice d'Istanbul. Son crime ? Avoir partagé auprès de ses 500 000 followers des images du célèbre Sex Museum d'Amsterdam lors d'un voyage l'an dernier avec deux amies pour célébrer ses 22 ans. Sur ces photos, on peut notamment apercevoir des exemples de merchandising en vente dans la boutique du musée, comme des pâtes en forme de pénis.
Des clichés touristiques qui n'a pas particulièrement plu aux autorités turques, qui l'ont arrêtée à son retour à Instanbul. "J'ai fait ma déclaration à la police. Je pensais que c'était fini, mais des mois plus tard, j'ai été de nouveau arrêtée. J'ai été détenue pendant une nuit et j'ai fait une déclaration aux procureurs au sujet des posts. On m'a dit que j'étais libre de partir", a raconté la jeune femme au journal néerlandais Het Parool.
Mais l'affaire ne s'est pas arrêtée là : à sa grande surprise, Merve Taskin a ensuite reçu un SMS la convoquant devant un tribunal d'Istanbul le 26 octobre pour faire face à des accusations d'obscénité. Selon la BBC, elle est accusée d'avoir violé l'article 226 du code pénal turc. Celui-ci spécifie que la publication de "matériel obscène" entraîne une peine de prison allant de six mois à trois ans, ainsi qu'une amende.
Une sanction qui n'a pas manqué d'estomaquer le Sex Museum d'Amsterdam au coeur de l'affaire, qui a pris contact avec l'influenceuse par message privé sur Instagram. "C'est surréaliste", aurait ainsi réagi Monique Van Marlet, la directrice de l'établissement, comme le relaie le média MiddleEastEye. "Notre musée est destiné à éduquer les gens du monde entier sur l'histoire du sexe. Nous vous admirons pour vous être exprimée et avoir publié ces images."
Cet exemple ubuesque illustre le recul de la liberté d'expression dans le pays dirigé par l'ultra-conservateur Recep Tayyip Erdogan. Amnesty International dresse un bilan sans concessions contre le régime autoritaire turc, pointant le "harcèlement judiciaire contre des dissidents avérés ou présumés, notamment contre des journalistes, des responsables politiques, des militants, des utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux et des défenseurs des droits humains." L'ONG Freedom House, elle, affirme que la Turquie "reste l'un des endroits les plus difficiles de la région européenne pour exercer son droit à la liberté de parole et d'expression."
De son côté, Merve Taskin rappelle que ses posts étaient avant tout "humoristiques", remerciant sa communauté pour son soutien en attendant le jour de sa comparution. Tout en avouant à la BBC qu'elle est "inquiète."