Rama Yade : Face aux atrocités commises, face au nombre de viols perpétrés, on peut légitimement céder au découragement. C’est exactement ce que veulent les bourreaux : ils savent que l’impunité les protège et constitue leur meilleure arme.
Il n’y a pas une seule façon de répondre à ces violences. Il faut utiliser tous les moyens à notre disposition, comme une vaste chaîne de solidarité humaine : le maillon le plus faible, ou celui qui fléchira, sera renforcé par un autre et ainsi de suite.
Bien sûr je suis engagée dans ce combat, comme de nombreuses femmes : il faut faire entendre la voix de la dénonciation, partout ou cela est possible, aider les associations de la société civile qui, sur place ou dans d’autres pays, oeuvrent à la défense des femmes, épuiser toutes les procédures juridictionnelles pour faire condamner les coupables, et recourir à la Cour pénale internationale lorsque la machine judiciaire interne ne fonctionne pas.
R. Y. : Les femmes congolaises disposent de peu de moyens de défense face aux violences sexuelles quand elles sont utilisées en tant qu'armes de guerre, dans un contexte d'extrême violence.
Mais elles ne baissent pas les bras pour autant et se défendent. Elles ont développé, souvent avec l'appui de la communauté internationale, des réseaux efficaces destinés à sensibiliser les opinions publiques, mais aussi les autorités locales ou tribales, aux violences dont elles ont été les victimes. Je pense en particulier à l’association de femmes congolaises Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI), soutenue par la France. En outre les voix congolaises réclamant que cesse l'impunité pour ces crimes sont de plus en plus nombreuses. C’est un motif d’espoir.
R. Y. : Tout à fait. Le statut de la Cour pénale internationale inclut le viol dans le périmètre du crime contre l'Humanité, lorsqu'il est "commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque". Le statut de la Cour considère également les viols comme justifiables de la qualification de "crimes de guerre".
Ce statut n’est pas resté lettre morte. Il a donné lieu à des actions concrètes. Deux chefs de milice (Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo) de l'Ituri, province de République démocratique du Congo, sont en cours de procès à la Cour Pénale Internationale. Ils sont notamment accusés d'avoir favorisé le recours à grande échelle à des violences sexuelles. Pour des faits similaires en Centrafrique, l'ancien candidat à la présidentielle congolaise de 2006, Jean-Pierre Bemba, est également à la Haye. En République démocratique du Congo, une juridiction mixte est en cours d’établissement, et devrait traiter des crimes commis dans le pays entre 1993 et 2003. Le secrétaire général des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), Callixte Mbarushimana, a été arrêté en octobre 2010 en France et par la France pour être jugé par la Cour pénale internationale.
Nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance. Les violeurs et abuseurs de toute sorte doivent le savoir. La peur doit changer de camp.
Expo Congo/Women : 10 ans de viol en RDC
Côte d’Ivoire : « Les femmes sont les victimes oubliées du conflit »
Le point sur la situation des femmes en Afghanistan