Becky Something a le mascara qui coule, le regard flou, le cheveu fou. Elle sort de scène, elle tremble, surexcitée, rôdant en backstage comme un animal en cage. Becky s'affaisse, vomit, éructe. La leadeuse du groupe Her Something s'enfonce dans l'abîme de la défonce. Son entourage, impuissant, observe la chute inexorable de cette créature pathétique, que l'on imagine jadis flamboyante.
Le retour en studio ne fera qu'enfoncer le clou de la déchéance. L'inspiration s'est envolée, les liens se sont défaits et la complicité a fait place à la violence. Tout n'est plus que saturation. Les icônes se fracassent sous les yeux médusés des jeunes pousses en quête de rôle-modèles. La rédemption suivra-t-elle ?
On ne saura rien du parcours sinueux de cette diva abîmée du rock, dont les excès rappellent une certaine Courtney Love, figure de la scène grunge dans les années 90. Quelques plans de (fausses) archives laissent brièvement entrevoir ces moments de gloire passés. Mais le présent, étranglé dans ce huis-clos suffocant, saturé de rouge et filmé caméra à l'épaule, dit tout de la solitude qui étreint tant d'artistes jusqu'à les déchiqueter.
Bien loin de l'image "glossy" véhiculée par certains films musicaux, Her Smell lève le voile sur les coulisses chaotiques de l'univers rock. Alex Ross Perry (Queen of Earth) signe un film crise de nerfs, porté de bout en bout par la performance brutale et tragique d'Elisabeth Moss, parfaite en punkette burn-outée. Sa présence comme son absence tendent le récit- découpé en cinq actes de 25 minutes- comme une corde, créant une intensité dramatique qui ne trouvera d'apaisement qu'à la dernière minute, au terme d'un grand huit éprouvant. Un portrait organique, fait de sueur, de bruit, de larmes et de fureur, dont on sort, à l'image de Becky et ses camarades de jeu, essoré.
Her Smell
un film de Alex Ross Perry
Avec Elisabeth Moss, Agyness Deyn, Dan Stevens, Cara Delevingne...
Sortie au cinéma le 17 juillet 2019