"Nos soldats ne sont pas encore entraînés pour respecter les femmes". C'est ce qu'a déclaré le porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid, lors d'une conférence de presse ce 24 août, relatée par la chaîne CNN. A l'écouter, les fondamentalistes, qui viennent de reprendre le contrôle de l'Afghanistan, s'efforceraient de s'assurer que les filles et femmes afghanes ne soient pas "traitées de manière irrespectueuse", mais pour cela, il faudrait que les soldats soient encore mieux formés. Conclusion ? Les femmes "ne devraient pas aller travailler", pour leur propre sécurité.
Des "conseils" que le porte-parole dit "temporaires" et qui éviteraient, poursuit Zabiullah Mujahid, que les femmes soient "Dieu nous en préserve, blessées", pour reprendre ses termes. Mais hormis cela, que l'on se rassure, les talibans auraient bien changé, le porte parole nous l'assure. On se remémore le discours lunaire du même Zabiullah Mujahid lors d'une première conférence de presse : "L'Émirat islamique ne veut pas que les femmes soient des victimes. Le gouvernement islamique sera ouvert et inclusif".
"Par conséquent, nous avons demandé aux femmes de s'absenter du travail jusqu'à ce que la situation revienne à la normale et que les procédures relatives aux femmes soient mises en place, puis elles pourront reprendre leur travail une fois que cela sera annoncé", a développé l'orateur. Mais quelle sera donc la "normale" en question ?
"Personne ne fait confiance à ce qui sort de la bouche des talibans", affirme de son côté John Fisher, directeur genevois de l'organisation non-gouvernementale internationale Human Rights Watch. L'ONU, quant à elle, craint déjà le pire pour l'avenir des filles et les femmes afghanes.
"Nous avons des preuves ou des rapports émanant de différentes provinces, avançant que les femmes afghanes ne sont pas autorisées à quitter leur domicile sans 'un chaperon masculin'. Dans certaines provinces, on leur a simplement ordonné de rester à la maison", alertait ainsi Mohammad Naciri, directeur régional de l'entité des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes pour les régions Arabie et Asie Pacifique.
Et le directeur de poursuivre : "Nous ne pouvons pas attendre de voir des femmes battues en public ou observer le taux de violences conjugales augmenter pour dire que la violence a bel et bien lieu. Ne pas laisser les femmes quitter leur domicile est définitivement une forme de violence ! Ce qui se passe actuellement en Afghanistan est une 'urgence de genre'. Il faut s'assurer que tout dialogue avec les talibans se fasse à condition que les femmes et les filles soient à l'épicentre de ces conversations, pour s'assurer que leurs droits sont préservés".
La porte-parole de la Banque Mondiale, Marcela Sanchez-Bender, assure à CNN quant à elle être "profondément préoccupée par la situation en Afghanistan et l'impact sur les perspectives de développement du pays, en particulier pour les femmes". Une préoccupation globale donc. Et volontiers exacerbée par les récentes déclarations accablantes de l'ancienne juge afghane Najla Ayoubi, énoncées à la chaîne Sky News. "Les talibans forcent les gens à leur faire à manger. Une femme a été immolée parce qu'elle était accusée de mauvaise cuisine. Il y a tellement de jeunes femmes, au cours des dernières semaines, qui ont été expédiées dans des pays voisins dans des cercueils afin d'être utilisées comme esclaves sexuelles", a notamment rapporté cette dernière.
Un état des lieux qui ne prête pas à l'optimisme.