Insultes, menaces, agression physique... Des violences racistes seraient venues interrompre les représentations de "Carte noire nommée désir", la pièce de Rebecca Chaillon présentée au Festival IN d'Avignon. Contactée par France Bleu, la Compagnie Dans le Ventre en a témoigné : des spectateurs auraient fait des doigts d'honneur, une interprète aurait été frappée par l'un d'entre eux et le cri "On est chez nous !" aurait résonné dans la salle.
Des violences qui auraient été observées... Durant trois représentations différentes de la pièce. Celle-ci a pris place du 20 au 25 juillet au Gymnase du lycée Aubanel. Certains interprètes auraient également été victimes d'agressions dans les rues de la ville. Une atmosphère très étouffante donc, et tout à fait déplorable.
D'autant plus que "Carte noire nommée désir" fait partie des spectacles majeurs de cette nouvelle édition de l'événement culturel. Une réappropriation très politique et très protéiforme de la danse, par une artiste engagée : la performeuse queer Rebecca Chaillon, défendant une oeuvre "afro-futuriste" et intersectionnelle. C'est notamment le racisme que dénonce à travers son art très incarné cette créatrice féministe...
La situation est telle qu'elle a exigé une réaction immédiate du directeur du Festival d'Avignon, Tiago Rodriges. Celui-ci l'a déploré ouvertement : "des gestes violents et racistes ne sont pas acceptables au Festival d'Avignon, et ce comportement ne représente pas le public du Festival".
Et l'a affirmé sur le même ton : "le festival a tout de suite exprimé sa solidarité à cette compagnie, et travaillé pour créer un climat de sécurité et de sérénité pour que le spectacle se présente".
"Ce spectacle s'inscrit dans le passé, le présent, et l'avenir du code génétique du Festival d'Avignon", a poursuivi le directeur auprès de France Bleu, assurant être "choqué par ces agressions à caractères racistes".
Sur les réseaux sociaux aussi, militantes féministes, artistes ou simples spectateurs réagissent à ces violences nauséeuses.
Ainsi le théâtre de l'Odéon a-t-il rapidement exprimé sur Twitter "son soutien total à l'équipe artistique et technique du spectacle Carte noire nommée désir". Et l'institution de poursuivre : "Ces attaques sont inacceptables. L'Odéon est fier d'accueillir ce spectacle à partir du 28 novembre aux Ateliers Berthier et mettra tout en oeuvre pour porter la parole de ces artistes engagées tout en veillant à leur sécurité".
A l'unisson, le collectif féministe #MeTooThéâtre, qui dénonce les violences sexistes et sexuelles qui perdurent dans le milieu de la scène et de l'art vivant, a tenu à apporter "son soutien inconditionnel" à Rebecca Chaillon et à son équipe suite à l'évocation médiatisée de ces actes "qui témoignent du racisme et de la misogynie qui infusent toujours largement nos sociétés".
Le collectif a tenu à saluer "le courage" mais aussi "la puissance" de la créatrice afroféministe et de son art, ainsi que les valeurs de sa troupe, précisant sur les réseaux sociaux : "Nous sommes debout à leurs côtés".
Sur Twitter, journalistes et artistes viennent également défendre "Carte noire nommée désir". Comme la romancière martiniquaise Nadia Chonville : "Dans un état second après le spectacle magistral de Rebecca Chaillon au Festival d'Avignon. Sa puissance poétique, et l'intelligence de ses intentions nous ont amenées dans une telle émotion collective que nous ne pouvions plus les quitter, même après deux très longues ovations".
Télérama salue de son côté une pièce "brillante" mais "insoutenable", "tantôt sublime tantôt brouillonne", notamment dans sa volonté de dépeindre, au plus près du public, "la ségrégation", relate l'article : "une ouvreuse du festival (métisse) invite les spectatrices afro-descendantes qui le souhaiteraient à aller sur les sièges confortables spécialement aménagés du fond tandis que le commun du public est placé sur les gradins habituels".